dimanche 6 décembre 2009

Pitié pour les chasseurs !

Le moins qu’on puisse dire, c’est que les conservateurs ont élevé à un rare degré l’art de perdre leur temps à éroder des acquis sociaux. Après avoir tenté d’invalider le mariage homosexuel, menacé le droit à l’avortement, renié Kyoto, déclenché des élections au mépris de leur loi électorale, perdu la majorité convoitée par leurs coupes à la culture, en plus de s’opposer pathologiquement au rapatriement d’Omar Kadr, les voilà encore en train de vouloir abolir le registre des armes à feu.  Ils cherchent ainsi à satisfaire un électorat fidélisé : des chasseurs et une partie du monde rural.  Comment intéresser nos élus dilettantes à de vraies préoccupations étatiques ?


Quand votre dentiste vous signale une carie, vous la faites obturer.  Si votre garagiste vous prévient que vos freins sont usés, vous les faites changer.  Votre médecin vous dit que vous devez perdre du poids, vous… tentez de l’écouter.   Quand les associations policières de tout le pays, une pléthore d’organismes communautaires et même l’Assemblée nationale du Québec revendiquent le maintien du registre, peut-être existe-t-il là quelque indice d’une idée valable ? 

Il semble que le souci d’épargner d’anodines tracasseries bureaucratiques aux chasseurs soit devenu un enjeu politique si sensible pour Stephen Harper qu’il lui faille mettre en jeu - ou en joue - la sécurité des citoyens en privant les policiers d’un outil de prévention qu’ils jugent indispensable.  Ceux-ci affirment le consulter plus de 10 000 fois par jour, mais peut-être aiment-ils eux aussi perdre du temps ?  Quoiqu’il en soit, le nombre de décès par balles est passé de 1125 par an en 1995 à 818, dix ans plus tard.  Le registre explique-t-il à lui seul cette baisse ?  Peut-être pas, mais on peut douter qu’il ne s’agisse que d’une coïncidence.

Lancée sous Jean Chrétien, l’implantation du registre, aux coûts de 2 milliards $, aurait certes pu être moins onéreuse.  Son opération annuelle ne s’élève désormais qu’à 15 millions $.  Il semble que c’est plutôt l’abolition de cet outil, et non son maintien, qui entraînerait le gaspillage des milliards investis pour sa création.  Maintenant qu’il est viable, pourquoi le contribuable n’en aurait-il pas pour sa mise de fonds ?

Les armes de chasse, au nombre de huit millions, représentent 89 % des objets enregistrés.  Elles constituent la raison d’être même du registre. Or, c’est précisément ces armes que les conservateurs cherchent obsessionnellement à exempter.  Depuis 2006, ils ont imposé une amnistie irresponsable à l’enregistrement comme au renouvellement des objets litigieux.  On ignore donc combien d’armes ont pu ainsi échapper à l'archivage.  La GRC affirme de son côté, chiffres à l’appui, que le tiers des permis échus n’a pas été renouvelé.

Un agresseur peut bien sûr tuer avec un couteau à steak ou même un marteau sans qu’un registre de ces articles ne soit nécessaire. Comment peut-on cependant autoriser la libre circulation d’armes dont la fonction première est de supprimer des vies, fussent-elles animales, sans connaître le nombre, les catégories et surtout, les propriétaires de tels articles ?  Les balles de chasse se dissoudraient-elles au contact de l’épiderme humain ?

Le projet de loi C-391, qui a franchi l’étape de la seconde lecture, pourrait avant longtemps signer l’arrêt de mort du registre.  Que représente toutefois la sécurité des citoyens, devant l’indicible horreur de voir un chasseur obligé de renouveler son permis tous les cinq ans…


Également paru dans Le Nouvelliste du 12 décembre 2009 et dans Le Soleil du 14 décembre 2009.

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