samedi 19 juin 2010

Le bon, la brute et le niqab

Imaginez-vous en train de regarder un western spaghetti à la Leone.  Bravant mille périls, le bon, après avoir terrassé la brute et descendu ses sbires, parvient prestement au cachot où est séquestrée l’héroïne, enchaînée  à un mur.  Le héros fait sauter les chaînes d’un coup de colt… et la belle de l’engueuler, lui reprochant son geste.  Ainsi finit le film.  « Qu’a bien pu fumer l’auteur d’un tel scénario ? » vous demanderiez-vous.  Ce pastiche n’est pourtant pas très éloigné d’une réalité qui se précise à mesure que le débat sur le port du niqab et de la burka prend de l’ampleur au Québec comme ailleurs.

Alors que même un individu aussi peu recommandable que le président Mahmoud Ahmadinejad ose braver les ayatollahs iraniens en s’opposant aux contrôles et arrestations des femmes mal voilées, nous trouvons, dans notre zen pays, non seulement des hommes qui veulent intensifier la répression vestimentaire imposée aux femmes mais, de plus en plus, des musulmanes qui la revendiquent comme si leur vie en dépendait. 

Le drame de la jeune Aqsa Parvez, assassinée en 2007 par son père et son frère en Ontario, pour avoir refusé le port du hijab, montre en effet que son existence même était conditionnelle à cette coutume arriérée.  Qu’à la lumière de crimes d’honneur comme celui-ci, des musulmanes, même mariées à des conjoints qui n'ont rien à cirer de leur tenue, soient prêtes à se faire expulser de cours de francisation plutôt que de renoncer à leurs lugubres oripeaux, en l’occurrence au niqab, relève de l’aliénation mentale.  Comment peut-on se montrer aussi inconséquentes, aussi peu solidaires envers ses semblables insultées, brutalisées, voire assassinées ?  En clair, comment peut-on s’avérer aussi insensible que rétrograde ?

Toujours en Ontario, une femme, qui s’est récemment dite victime d’agressions sexuelles perpétrées pendant son enfance par son oncle et son cousin, a refusé de témoigner à leur procès à visage découvert, ce qui entraînera des mois de retard dans les procédures avant qu’un tribunal ne tranche cette question ridicule.  Fait inusité, tandis que le Congrès musulman du Canada s’oppose judicieusement à la demande absurde de la présumée victime, des groupes de femmes et de défense des droits civils, dans le champ, l’appuient.  Des femmes voilées pourraient hésiter, selon ces bonnes âmes, à demander l’aide des tribunaux pour d’autres causes.  Petite vie. 

Même le timide projet de loi 94, exigeant que les femmes découvrent leur visage lorsqu’elles demandent ou reçoivent des services sociaux, a suscité une manifestation d’une soixantaine de femmes, dont le tiers affublé d’un niqab, devant l’Hôtel de Ville de Montréal, en avril dernier.  Selon elles, le projet, forcément discriminatoire, ne favoriserait pas leur intégration au Québec.  Le niqab et la burqa, certainement, y parviendront.

Voilà à quelles extrémités loufoques et incohérentes peut mener l’obsession fanatique d’un vulgaire bout de tissus chez des gens naïfs, ignorants et manipulables, par conséquent incapables de faire la différence entre Islam et Islamisme, donc entre pratiques religieuses et répression sociale ou politique.  Qui sait, la tenue peu sexy de ces ferventes croyantes pourrait toutefois avoir l’avantage d’entraîner une baisse des relations sexuelles illicites et ainsi, une diminution des catastrophes naturelles qui menacent notre planète.  Voilà sans doute une bonne raison de rester enchaînées à un mur…


Également paru dans Le Soleil du 27 juin 2010.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Je partage globalement votre rejet du port du niqab, mais pas du tout le dernier paragraphe de votre texte. Pour vous, comme pour la grande majorité des féministes québécoises, les femmes qui portent le niqab sont de simples objets dans les mains des vrais décideurs (des pères, imams ou autres catégories de mâles). Elles seraient naïves et incapables de comprendre la portée de leurs comportements. À la limite, il faudrait dire la même chose de toutes nos mères ou nos grands-mères qui ont accepté de vivre leur condition féminine sans revendiquer toute la panoplie des symboles de l'égalité que nous jugeons aujourd'hui sacrés et indiscutables. Pour avoir vécu cette époque dans mon enfance, je peux vous affirmer que ce n'était pas du tout le cas. Alors pourquoi les femmes d'autres pays musulmans seraient-elles incapables de penser ou de comprendre quoi que ce soit? Je pense que nous ignorons simplement leurs points de vue et que le fait d'assumer qu'elles n'en ont pas revient à nier leur intelligence.

Denis Blondin

Le blog d'Olivier Kaestlé a dit…

Merci de votre commentaire, M Blondin. J'ai dû manquer la cible si vous avez cru que je pense que ces femmes sont des êtres sans personnalité ni convictions, ou le jouet d'une société patriarcale. En fait, nombre d'entre elles portent le hijab ou le niqab contre le désir du conjoint qui souvent, est excédé de devoir passer pour ce motif pour un tyran domestique. C'est aussi parce que je crois ces femmes responsables de leurs actes que je n'hésite pas à les trouver "insensibles et rétrogrades", termes très durs, j'en conviens, mais preuves que je leur attribue leur libre arbitre. Je vous concède que l'emploi des mots "naïfs, ignorants et manipulables" peut laisser entendre que je ne leur reconnais pas. C'est précisément parce que je pense le contraire que je trouve important de les confronter à une ignorance que je crois bien réelle et qui les fragilise au point qu'elles agissent contre leur intérêts légitimes.
Pour ce qui est des féministes, vous me concéderez qu'entre les positions de la FFQ et du CSF sur la question des symboles religieux en général, moins que sur celle du niqab cependant, l'homogénéité est loin de régner....
Encore merci de votre intervention et au plaisir.

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