jeudi 26 août 2010

Mind Games : un album moyen par un type génial

Paru en 1973 à la suite de la débâcle entraînée par l’album Some Time In New York City, Mind Games s’avère une tentative à demi réussie de renouer avec le lyrisme d’Imagine, qui avait su concilier succès critique et commercial.  En effet, John Lennon, dont la conjointe était déjà tenue responsable de la rupture des Beatles, n’avait pas fait l’unanimité avec Some Time, écrit et chanté conjointement avec Yoko, et consacré en presque totalité à des causes sociales en vogue en 1972.  Devant la pluie des critiques négatives et des ventes décevantes, il était capital pour Lennon de redresser la barre.  Sa carrière solo était pourtant si bien partie, avec les deux chefs-d’œuvre Plastic Ono Band, paru en 1970, et Imagine, révélé l’année suivante.

En plus de décevoir son public fervent, le Beatle brillant, maintenant résident new-yorkais, s’était rendu suspect aux yeux de l’administration Nixon, qui le faisait surveiller par le FBI, en plus de tenter des pieds et des mains pour l’expulser des États-Unis.  Est-ce que ces tracasseries, liées à des désaccords naissants dans son couple et au mal du pays, ont déteint sur la qualité de Mind Games ?  Seul l’intéressé aurait pu répondre.  De son aveu, son opus de 1973 se voulait un album de transition.  En fait, dès la première écoute, l’auditeur a l’impression de se trouver devant une œuvre inachevée, tant elle a été enregistrée à toute vitesse, à une époque où plusieurs artistes de premier plan passaient facilement cinq mois en studio.

Devant le côté brouillon de John, la présence de Paul McCartney devenait salutaire, à l’époque des Fabs, comme l’évoque d’ailleurs Red Rose Speedway, paru la même année que Mind Games.  Si cet album de Paul manque un tantinet de substance, il est cependant réalisé de main de maître.  De son côté, les textes de Mind Games n’ont pas la tenue de Plastic Ono Band, mais demeurent le plus souvent crédibles et la musique qui les soutient, d’une écoute agréable, à défaut d’être géniale.  Bref, si les deux compères avaient travaillé sur le même album…  

Toutefois, la finition plutôt succincte de Mind Games n’est pas toujours un inconvénient, loin de là.  Plusieurs morceaux bénéficient de ce dépouillement : Tight A$, Intuition, Bring On The Lucie ou Meat City n’auraient pas nécessairement été meilleurs avec un overdubbing plus fouillé.  La réalisation sommaire de l’album devait cependant desservir la réputation d’un créateur associé à l’une des musiques les plus sophistiquées des années soixante. 

Comme souvent avec Lennon, son œuvre s’apprécie davantage avec le temps, une fois dégagée de l’époque qui lui a donné naissance.  La musique de McCartney a parfois l’effet inverse.  S’il fallait comptabiliser combien de fois jouent à la radio les chansons Imagine et Mind Games en comparaison de Band On The Run ou My Love, pas sûr que les pièces de Macca l’emporteraient.  Elles étaient pourtant nettement plus populaires à leur sortie.

Au bout du compte, Mind Games reste un très bon petit album.  Toutefois, un bon petit album de Lennon, c’est un peu comme un bon petit film avec Brando : la stature plus grande que nature de l’artiste nous fait inévitablement penser qu’il aurait pu faire mieux.  Pourquoi bouder son plaisir ?  Un album moyen par un type génial, c’est parfois préférable à un album génial par un type moyen…

Rétrolivier paru le 23 novembre 2008 dans Amazon.fr.

 À lire aussi : A Hard Day's Night : les apparences sont trompeuses...
http://olivierkaestle.blogspot.com/2010/08/hard-days-night-les-apparences-sont.html

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