jeudi 16 septembre 2010

Si on laissait nos morts vivre leur vie ?

Comme plusieurs, je regarde quotidiennement la rubrique nécrologique, le plus souvent en retenant mon souffle et en espérant qu’aujourd’hui, la mort ne m’aura pris personne parmi mes amis ou connaissances.  Depuis que j’ai appris ainsi le décès d’une amie, déjà perdue de vue, il est vrai, je ne souhaite plus revivre pareille stupeur.  Or, il arrive que je découvre dans ladite rubrique qui, un ancien collègue, qui, une vague connaissance, qui, le parent d’un ami.  Il faut s’y faire et la tendance n’est pas prête de s’arrêter, comme on avance en âge.  Les gens que l’on croise dans notre parcours sur terre nous quittent, peu importe leur importance affective, et nous devons faire avec, accepter, vivre nos deuils.

Aussi, je reste surpris devant certaines formules de convenance qui accompagnent les vœux qu’adressent ceux qui restent à ceux qui partent.  Si certains d’entre eux émettent des souhaits de félicité et de plénitude dans un monde meilleur, d’autres semblent préférer des volontés moins désintéressées. 

Des souhaits altruistes…

Parmi les formules tirées des journaux que j’ai sous les yeux, j’ai bien aimé cette maxime : « La mort, c’est comme un bateau qui s’éloigne vers l’horizon.  Il y a un moment où il disparaît… Mais ça ne veut pas dire qu’il n’existe plus… »  Pour qui, comme moi, croit en la vie après la mort, ce commentaire est porteur de sens. 

J’aime aussi les témoignages, peut-être plus formels, qui soulignent l’héritage de l’exemple d’une vie bien remplie, d’un caractère bien trempé.  D’accord, c’est plus convenu, mais ça reste simple, concret, et puis, on ne demande rien au défunt; il a déjà donné.  C’est dans une telle optique que l’expression « Repose en paix » prend tout son sens.  On oublie trop souvent ce que cette formule implique…

… Et des moins désintéressés…

Je reste toujours perplexe devant d’autres manifestations présumées d’affection, pourtant si fréquentes en cas de décès, comme si ceux qui les communiquent demeurent rivés sur la tristesse de leur sort, avant de souhaiter au trépassé le bonheur dans l’au-delà, quand ils y pensent.  Après tout, qui leur garantit la félicité du défunt ?

J’ai beau croire en la vie après la mort, je n’achète pas la thèse d’un royaume des cieux où nous resterions suspendus, immobiles, dans une béate plénitude pour l’éternité.  Franchement, je préférerais l’enfer à pareille platitude ! 

Je me fiche par ailleurs des théories sur la réincarnation.  Avant de savoir comment, ou sous quelle forme, nous pourrions, très hypothétiquement, retourner sur terre, commençons par travailler sur le tangible, pendant que nous y habitons, et menons une vie signifiante.  L’être suprême, le grand horloger de Voltaire, auquel j’ai la faiblesse de croire (je parle de l’horloger, bien qu’estimant le philosophe) s’arrangera bien avec nos itinéraires respectifs, quand nous aurons passé l’arme à gauche.  Chacun son métier…

Des perles à garder pour soi…

Voici un échantillonnage de « perles » qui m’ont fait sourciller dans la rubrique nécrologique, assorti de mes commentaires (je sais, je n’ai jamais eu de tact, et ça ne s’arrange pas avec l’âge) :

Un jeune homme trépassé s’est mérité ce vœu  : « Sois notre guide vers la lumière. »  Le pauvre n’a pas assez d’être mort prématurément, le voilà maintenant guide spirituel !  Lui a-t-on demandé son avis ?  La découverte de sa lumière ne devrait-elle pas rester une responsabilité personnelle ?  Et si le disparu avait devant lui son propre cheminement ?  Des questions, comme ça.

Un enfant mort en couches s’est vu de son côté enfoncé dans la bouche un commentaire posthume finissant par « je resterai auprès de vous en silence ».  Vous parlez d’un programme !  Comment souhaiter pareil ennui à son enfant ?  Pour combien de temps, ce purgatoire ?  Qu’est-ce que ça donnera de plus aux parents ?  Espérons que le bébé développe des talents de cruciverbiste pour tuer le temps…

Et combien de fois ne lisons-nous pas, à propos de pères ou de mères de famille dévoués : « Continue de veiller sur nous dans l’au-delà. »  L’expression « couper le cordon ombilical », déjà entendu parler ?  Non seulement ces parents ont-ils donné naissance à ces dépendants affectifs, les ont torchés, nourris, éduqués, rassurés, conseillés, bref, aimés de leur mieux, avec toutes leurs forces, leurs faiblesses, leurs qualités, leurs défauts, non, c’est pas assez.  Il faudrait encore qu’ils continuent dans l’au-delà !  Pourrait-on leur sacrer patience, les laissr reposer en paix, justement ?  Ou débuter une vie nouvelle, qui sait ?  Rien n’indique qu’ils n’ont plus rien à découvrir là où ils sont, que toute évolution cesse avec la mort terrestre.

Souhaitons-leur le mieux !

Force est de constater le triste penchant de l’être humain à pleurer sur lui-même plutôt que de faire preuve de générosité en souhaitant le bonheur aux disparus.  Il me semble pourtant que l’altruisme envers le défunt devrait nous soutenir plus adéquatement dans l’épreuve que les lamentations sur notre sort, même si une telle attitude demeure on ne peut plus humaine.  Regarder l’autre partir avec un sourire, même une larme à l’œil, c’est quand même plus riche de sens, pour soi comme pour celui qui quitte…

Abbé Kaestlé, sujet suivant…

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