jeudi 28 juillet 2011

Misandrie au ciné : de la midinette au faire-valoir

L'homme, jadis si omniscient...
Ce n’est pas d’hier que l’on dénonce le sort peu enviable réservé aux hommes à la télé, dans les films ou la publicité. Rien ne semble vouloir cependant infléchir cette tendance globale à la misandrie, bien au contraire.  Normal, le sexisme envers les hommes fait vendre.  Il est loin le temps où un homme en sarrau blanc expliquait d’un ton condescendant à une ménagère crédule comment son détersif laverait plus blanc que celui de la concurrence.  En fait, ce qui rendait une telle pub sexiste n’était pas tant l’évocation d’une situation donnée où l’homme avait incidemment le « beau rôle », mais bien la répétition ad nauséam de ce genre de contexte. 

Un tel martèlement enfonçait jadis dans le crâne des petites filles et des adolescentes qu’elles seraient inexorablement vouées à dépendre des hommes, systématiquement présentés comme omniscients et convaincus de leur suprématie.  Au fil des ans, le mouvement féministe s’est élevé, non sans légitimité, contre ce lavage de cerveau insistant et insidieux qui s’inscrivait dans le courant des films, séries télé et téléromans des années soixante et soixante-dix.

La pub Whiskas, un sommet de misandrie.
Depuis plus d’une quinzaine d’années, un matraquage tout aussi malsain frappe désormais les garçons, enfants comme adolescents, déjà désavantagés par un système scolaire conçu sur mesure pour les besoins des filles et donc étranger aux leurs. Leur estime personnelle et leur développement se trouvent ainsi doublement affectés.  Si l’on imagine que nous avons en ce moment des problèmes avec les hommes en ce qui a trait à la dépression, au suicide, à la violence subie et exercée, de même qu’avec leur difficulté croissante à accéder aux études supérieures et à des emplois valorisants, le « meilleur » reste à venir, si d’urgentes prises de conscience n’amènent pas nos sociétés occidentales à rectifier le tir. 

Même les meilleurs...

Il y a quelques années, mon fils Jérémie, alors âgé de huit ans, m'avait confié, l'air penaud, qu'il trouvait les filles plus intelligentes que les garçons.  Quand je lui avais demandé d'où lui venait cette perception consternante, il m'avait répondu  que ces dernières avaient de meilleures notes que leurs confrères masculins.  À ses yeux, on pouvait donc mesurer l'intelligence.  Je le détrompais en lui citant les cas de Lennon, Einstein et Mozart, génies incontestés mais néanmoins cancres finis.

Mon fils, Jérémie.
Or, non seulement mon fils n’éprouvait aucun trouble d’apprentissage ou de décrochage, mais il était considéré nettement plus brillant que la moyenne par les institutrices qui lui avait enseigné jusqu’alors.  Aujourd’hui encore, il exaspère ses profs de maths par sa rapidité à terminer ses examens, avec une note souvent parfaite et des solutions parfois inédites.

Comme si la vie ne l'avait pas assez avantagé, Jérémie était - et est resté - un beau garçon, vif, volubile, aux yeux rieurs et à l'humour contagieux.  Si un jeune pareil a trouvé le moyen de se sentir moins intelligent que les filles, il faudrait commencer à s'inquiéter du sort réservé à ceux qui ne bénéficient pas des mêmes facilités.

L'effet Twilight

Il n’y a pas que la publicité misandre et un système scolaire prodigue en décrocheurs qui grugent l’estime personnelle des hommes de demain et par conséquent leur aptitude à se réaliser.  Le cinéma et les séries télé se mettent insidieusement de la partie.  Le décloisonnement entre les films dits de gars et ceux jadis réservés aux filles n’a pas que des effets positifs sur la perception des rapports homme femme par les jeunes.  La série des Twilight, histoires de vampires métissées de chick lit est un exemple de certaines dérives.  

Personnages masculins : héros ou faire-valoir ?
Le fait qu’un type de récits à l’origine favori d’un public masculin attire désormais en majorité des spectatrices indique un net changement de cap.  L’homme qui triomphait de l’adversité se voit désormais subordonné à l’héroïne qui règne sur le cœur de ses adorateurs.  Les garçons devront-ils se rabattre sur les vieux Dracula, avec Béla Lugosi ou Christopher Lee, pour échapper aux nouveaux stéréotypes de faire-valoir qui les guettent ?

Depuis l’arrivée massive des femmes sur le marché du travail, les producteurs de films ont réalisé qu’elles représentaient un pouvoir d’achat et que le film « d’amour » devenait plus que jamais le véhicule idéal pour en tirer parti, quitte à mettre de « l’amour » partout, à condition que les femmes menent le bal.  S’agit-il d’une revanche sur les années où ces dames étaient présentées comme des dépendantes affectives dans l’âme, décoratives mais incapables de prendre une décision et n’aspirant qu’au mariage ? 

Nos héros peuvent-ils tomber plus bas ?
Toujours est-il que c’est maintenant au tour des hommes de se transformer en satellites accessoires et idolâtres de la dame de leur cœur.  Souvent irrésolus, maladroits, mesquins et dominés par une libido ravageuse, les voilà prêts à abandonner toute dignité - chez ceux qui en avaient au départ – afin de conquérir, ou plutôt de s’assujettir, à l’élue de leur cœur.  L’apothéose dégénérative de leur comportement de « mâle » atteint son paroxysme au sommet de l’inévitable triangle amoureux où deux cruches lutteront pour conquérir une même potiche.

Le syndrome Bridget Jones

Les chances d'attirer un public masculin
restent minces...
Depuis 2001 et Le Journal de Bridget Jones, de Sharon Maguire, le centre du triangle n’a même plus besoin d’être irrésistible.  Renée Zellweger y incarne une employée d’agence publicitaire, célibataire, rondouillarde, sotte et névrosée.  Il est impossible de comprendre ce qui chez elle peut inspirer les pathétiques personnages interprétés par Hugh Grant et Colin Firth.  Le premier incarne son patron égoïste mais séduisant et le second, un avocat prestigieux.  Alors que les chances, dans la vie, que deux hommes semblables s’éprennent d’un repoussoir comme Bridget demeurent utopiques, les bougres en arriveront aux poings pour conquérir l’objet de leur passion.

Un tel film – et les nombreux autres qui s’en inspirent – a tout pour rebuter la gent masculine de la comédie sentimentale.  De nombreuses femmes y trouvent cependant leur compte, plus que jamais.  La marche était bien haute quand il fallait jadis s’identifier à Audrey Hepburn, Elizabeth Taylor ou Grace Kelly pour se fantasmer le centre d’intérêt de deux vedettes masculines.  Bridget rend le fantasme... « réaliste ».

Entre stéréotypes et réalité,
nos ados ont de quoi se démêler.
On aura beau dire que la compétition fait intrinsèquement partie de la nature masculine, ce trait de caractère peut très bien se voir intégré au discernement et au contrôle de ses impulsions.  Là encore, les relations homme femme se trouvent réduites à un pattern figé, peu représentatif de la diversité des comportements respectifs des deux sexes et de leurs nombreuses possibilités d’interrelations.  En clair, le cinéma nivelle les rapports homme femme vers le bas et n’offre à nos jeunes, garçons comme filles d’ailleurs, que peu de perspectives réalistes et constructives sur la façon d’envisager leur vivre ensemble.

Bien sûr, le rôle du cinéma n’en est pas un d’éducation populaire et le fait de donner une dimension relationnelle à des films d’action peut s’avérer bénéfique d’un point de vue évolutif.  Après tout, les relations entre les hommes et les femmes font partie de la vie.  Il ne faut cependant pas perdre de vue l’aisance avec laquelle on peut glisser des horizons élargis à la propagation de clichés réducteurs et misandres.  Alors que l’art se prétend le reflet d’une société, il peut malheureusement prouver son aptitude à devenir générateur d’involution. 

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Votre article est intéressant et pointu ; cependant, je trouve qu'il fait un peu l'impasse sur un point : quand les films et feuilletons présentaient les héros masculins comme centraux et les héroïnes comme simples faire-valoir, en réalité personne n'était dupe : on voyait bien qu'au bout du compte l'homme n'était qu'un serviteur, éventuellement sacrificiel de la femme. Toutes les aventures qu'il traversait ne visait qu'à obtenir les faveurs de la femelle. Aujourd'hui, l'héroïne ne vise pas à obtenir les faveurs de son nouveau faire-valoir, vu qu'elle les possède déjà! Homme = éternel dindon de la farce.

Le blog d'Olivier Kaestlé a dit…

Il y a du vrai dans ce que vous dites, encore que j'y voie quelques exceptions. Le rigoureux McGarrett, de Hawaii 5-0, ne se serait jamais départi de son professionnalisme pour conter fleurette. Je m'ennuie parfois de Simon Templar, version Moore, qui correspondait parfois à votre description, mais qui pouvait par ailleurs en faire voir de toutes les couleurs aux riches héritières capricieuses, aux femmes d'affaires vénales et manipulatrices, sans compter bien sûr aux charmantes criminelles qui devaient quitter ses bras musclés pour la prison et le moins ragoûtant inspecteur Claude Eustace Teal... Quant à l'inoubliable John Drake, avant que Patrck McGoohan ne devienne le Prisonnier, et même alors, les femmes ne pouvaient se vanter de le tenir... captif de leurs charmes. Dieu merci, il y aura toujours des résistants...

Anonyme a dit…

J'ai eu l'occasion le mois dernier de visionner -tout à fait par hasard, je me disculpe- "le Transporteur", de (ou sponsorisé par, je ne sais plus) Luc Besson. Voilà un héros comme on aime désormais : difficile de faire plus cliché. Mec en costard sombre, chemises blanche cravate noire façon Wall Street (la crise pré-obamienne est passée par là) visage mal rasé de deux ou trois jours comme il se doit (ce qui, on me l'a confié, serait le signe qu'il possède une tondeuse spéciale susceptible de retailler certains minous, je n'ose y croire), le crâne tondu de rigueur avec calvitie chaussée aux moines naissante, un beau visage froid mais tendre en dessous, expert en art martiaux qui cassent tout, mais gentil comme tout avec les petites filles... Eh bien, figurez-vous que quand une femme lui fonce dessus entre deux cascades pan-pan vroum-vroum(façon parade nuptiale sharonstonisée), il se refuse, la grande chochotte, au nom de principes éternels : honneur, travail, famille, patrie, pas de préservatifs, que sais-je encore? Eh bien, elle ne lui en veut même pas! Pas rancunière, mèmère, admirative même. Comme quoi les relations hommes-femmes sont devenues enfin saines. C'est curieux, moi, quand il m'est arrivé de refuser les avances d'une fille parce son mec était mon pote ou qu'elle sentait des pieds, elle faisait courir sur mon compte les bruits les plus pourris auprès de ses copines... Ah oui, il me manquait l'Audi, et en arts martiaux, j'assure vraiment pas.

Le blog d'Olivier Kaestlé a dit…

De mon côté, ma Chervrolet Cavalier 2003, aussi courante en Amérique du Nord qu'une Renault cinq à une certaine époque en France, n'impressionne guère et mes connaissances en arts martiaux demeurent symboliques. Vous et moi sommes probablement les seuls types à être tombés sur des femmes mal embouchées.

Parmi mes conquêtes involontaires au fil des ans, il m'est arrivé d'être aux prises avec une femme dont j'avais oublié jusqu'au nom et qui m'a harcelé à distance pendant des mois pour n'avoir pas su deviner qu'elle souhaitait que je la drague, et pas ses copines.

Une autre, alors serveuse sympa dans un bistrot, s'est subitement métamorphosée en Misses Hyde le jour où je me suis pointé avec celle qui allait devenir ma première conjointe. Je n'ai même jamais su le prénom de la virago.

À une autre occasion, une copine que je croyais connaître m'envoie un baiser en portant deux doigts sur sa bouche. Naïvement je déduis "Elle veut une cigarette" et lance mon paquet sur sa table. Vous dire l'horreur qui a suivi et les insultes sur mon manque d'à-propos.

Je me demande ce qui aurait pu m'arriver en costume sombre, la barbe de trois jours réglementaire et la crâne tout à fait rasé. Mais rassurez-vous, tout est de notre faute : si nous avions su les comprendre, ces dames seraient restées aussi douces et tendres que les femmes sont naturellement disposées à être. Quand donc reviendrons-nous à de meilleurs sentiments, en l'occurence les leurs ?

Une première depuis 2009 : Blogger retire l'un de mes billets.

Pour des raisons indéfinissables, Blogger a retiré mon article intitulé À quand un prix Diane Lamarre ?   C'est la première fois depuis ...