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Trop jolie pour être violente ? |
Dans la foulée de ma dernière chronique traitant du regard superficiel jeté par les médias sur la violence féminine, quelques autres cas étonnants, bien sûr exposés sans suivi journalistique, avaient également retenu mon attention. Certains demeurent si troublants que, s’ils avaient fait l’objet d’un thriller, nombreux auraient conseillé aux scénaristes de suivre une thérapie ou d’abandonner la boisson nationale écossaise. Des féministes radicales seraient sans doute montées aux barricades pour dénoncer une atteinte à la bienveillante féminitude et à l’honneur des femmes, selon elles étrangères par leur nature même au plus élémentaire réflexe de violence.
Un mari violé
Vous avez bien lu. Il ne s’agit nullement d’une métaphore dénonçant une épouse qui fouillerait le journal intime ou le portefeuille de son conjoint. C’est en 2007 qu’une femme de 43 ans, dont l’identité n’a pas été divulguée, se voyait accusée, au palais de justice de Gatineau, d’agression sexuelle et de complot pour agression sexuelle sur son conjoint, avec la complicité de deux « amants », selon l’expression polie employée par Le Droit du 24 août. L’affaire était d’autant plus surprenante que l’enquêteur Dominique Lafrenière, de la police de la MRC des Collines, avait affirmé que l’agresseure avait corroboré les faits sur bande vidéo, une preuve accablante.
L’épouse aux habitudes sexuelles déconcertantes, pour ne pas dire criminelles, avait alors admis avoir drogué son conjoint avec du GHB, la drogue du viol, avant d’appeler ses deux complices, qui attendaient « en haut de la côte » que l’homme fût endormi. S’ensuivaient des relations sexuelles de groupe, incluant la victime inconsciente. Le mari aurait ainsi été agressé une trentaine de fois sur une période de 20 mois, soit entre juillet 2005 et le 26 mars 2007, jour auquel l’accusée s’est finalement décidée à lui avouer l’intégralité des faits.
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Le complice de bien des turpitudes. |
Au début du manège, la femme seule abusait sexuellement de son mari, avant d’inviter par la suite un premier complice, puis un second. Le pauvre homme a commencé à se demander ce qui clochait par son malaise inexpliqué en compagnie de son épouse et par le fait qu’il n’allait plus à la salle de bains durant la nuit. Les aveux de l’accusée sont venus de plus expliquer des douleurs anales ressenties. Selon l’enquêteur, l’homme avait avoué une dépendance affective envers son épouse, qui le rendait semblait-t-il incapable de rompre, même si l’agresseure avait graduellement confirmé ses craintes. Ce détail a-t-il été retenu comme circonstance atténuante ?
L’enquête sur remise en liberté de l’accusée devait se poursuivre le jour de la parution de l’article du Droit, soit le 24 août 2007. Aucune nouvelle depuis.
Liquidée, 30 ans plus tard ?
C’est connu, les peines d’amour de jeunesse laissent chez certains des traces indélébiles. Alors que, pour la plupart d’entre nous, le temps fait son œuvre et que l’on passe à autre chose, une catégorie d’êtres à part vit dans le souvenir de ce qui a été ou aurait pu être. Parmi eux, un sous-groupe peu recommandable distille le venin d’une vengeance à assouvir devant un affront que rien ne saurait effacer. Tout semble indiquer que c’était le cas de Sally Jordan Hill, 50 ans, qui aurait matérialisé son noir dessein en assassinant Sandra Baker Joyner qu’elle rendait responsable de lui avoir soufflé son petit ami 30 ans plus tôt.
L’histoire, survenue à Charlotte-Mecklenburg, aux États-Unis, est digne d’une nouvelle de Mary Higgins Clark. En 2001, Joyner, 45 ans, se rend au cabinet du Docteur Peter Tucker pour y subir une chirurgie plastique afin de rendre ses lèvres plus charnues et de faire disparaître des cicatrices au visage. Elle meurt peu après des suites de ce qui ressemble alors à un arrêt respiratoire attribuable à une erreur médicale. Il faudra cinq ans pour qu’une nouvelle enquête propose une tout autre explication.
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Sally Jordan Hill : affront impardonnable ? |
Alors que Joyner reposait dans la chambre de repos, après l’opération, le visage recouvert de bandages, Hill, alors infirmière anesthésiste, n’aurait pu s’empêcher de saisir au vol la chance que le destin venait de lui offrir sur un plateau d’argent. Enfin, 30 ans après avoir été spoliée par sa rivale, elle la tenait à sa merci, inerte et incapable de l’identifier. Selon le policier Chuck Henson, Il avait suffi à la meurtrière d’empoisonner Joyner en lui injectant du fentanyl, un puissant antalgique, après avoir neutralisé l’alarme qui aurait pu la sauver. Un plan imparable.
Arrêtée en 2006 pour homicide volontaire, Hill a vu son procès reporté d’année en année tout en restant libre. Les charges retenues contre elle viennent d’être abandonnées le 4 mai dernier. La responsabilité criminelle n’était pas assez crédible pour convaincre un jury, ont affirmé les procureurs de Mecklenberg… Avez-vous entendu parler de cette histoire et de son étrange dénouement ?
Une postière timbrée
Alors que nous célébrons au Québec chaque année la tragédie de Polytechnique, nous ne semblons pas nous douter que des femmes aussi puissent commettre des meurtres de masse. C’est ainsi que nous apprenions, le premier février 2006 dans le Journal de Montréal, par une dépêche d’à peine 25 lignes sur deux colonnes, qu’une employée congédiée d’un tri postal californien avait tué pas moins de cinq anciens collègues et grièvement blessé un sixième, avant de se suicider, également par balle.
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États-Unis : des facteurs de risque ? |
L’hécatombe était survenue le lundi précédent vers 21h15 sur l’ancien lieu de travail de la meurtrière, dans la ville de Goleta, à environ 160 kilomètres au nord-ouest de Los Angeles. Impossible de savoir même le nom de la tueuse, et la police n’avait pipé mot sur ses motivations. Selon Randy DeGasperin, responsable de la hiérarchie de la poste américaine dont on a su l’identité, les agissements pour le moins bizarres de l’employée en question avaient amené ses collègues à appeler la police. Apparemment, plusieurs fusillades impliquant des employés postaux sont survenues aux États-Unis, donnant lieu à l’expression « going postal » (devenir timbré).
Mais quand vais-je guérir ?
Les habitués de mon blog (c’est qu’il y en a) savent que chez moi, un esprit spontanément tordu tempère avec un bonheur noirâtre une perfide tendance à localiser la faille, le talon d’Achille, bref, le grain de sable qui bloque l’engrenage. C’est donc sous l’empire funeste de mon âme agitée que je me demande si, dans le cas d’un viol commis par un mari, son identité aurait été préservée et tout suivi médiatique abandonné, si, dans le cas d’un rival liquidé par un amoureux éconduit, l’article aurait été si court (et l’accusé acquitté), si, dans l’éventualité d’un employé postal, devenu tueur de masse, la dépêche, incluant bien sûr l’identité du tueur, n’aurait pas non plus examiné avec minutie le mobile de son crime.
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Comment survivre à pareille déviance ? Je ne parle pas forcément de la mienne... |
Je dois sûrement patauger dans le procès d’intention, tant la liberté de presse et le droit du public à l’information trônent en tête de liste des principes éthiques de nos valeureux médias. Les faits mis à part, rien ne devrait m’autoriser à conclure à un traitement misandre de la vie criminelle, où les femmes bénéficieraient d’un traitement de faveur tandis que les hommes se retrouveraient coincés sous un microscope grossissant. Quand donc, à l’instar de nos si inspirants journalistes, vais-je enfin me décider à envisager comme eux la réalité sous l’angle d'une salutaire « objectivité » ?