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On nous a déjà parlé de partenariat... |
Dans cette chronique, je donnerai exceptionnellement la parole à des féministes afin qu’elles expriment en leurs propres mots les motifs pour lesquels elles s’opposent aussi farouchement à la reconnaissance de l’égalité homme femme des droits parentaux après une séparation. Il vous sera difficile, après cette démonstration de ces militantes par elles-mêmes, de ne pas voir en elles les adversaires les plus redoutables d’une mesure aussi progressiste que nécessaire, dans le cas, bien sûr, où la compétence parentale est au rendez-vous. Car il n’est pas question ici de faire la promotion de la garde partagée comme d’une mesure automatique applicable aveuglément, mais bien de la valoriser en tant que base privilégiée de toute médiation pour la garde des enfants, dans leur meilleur intérêt.
Une option soi disant peu demandée
Commençons le bal avec Christiane Pelchat, alors présidente du Conseil du statut de la femme, qui déclarait sans sourciller le 4 décembre 2009 à L'Express d'Outremont & Mont-Royal (les coquilles ne sont pas de moi) : «Sur tous les divorces impliquant des enfant, seulement 28% demande la garde partagée, laquelle est accordée dans plus de 80% des cas.» et la présidente du Conseil du statut de la femme conclut avec cette question: «Alors que les juges doivent statuer dans le meilleur intérêt de l’enfant en maintenant au mieux le lien avec les deux parents, pourquoi si peu s’en prévalent ?»
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Christiane Pelchat |
Qui, au Québec, ignore que la bataille pour la garde partagée est, sinon perdue d’avance pour un homme, du moins extrêmement onéreuse et ardue ? L’argument de Mme Pelchat, à l’effet que les hommes soient si peu nombreux à la demander est fallacieux et elle le sait certainement. Son bluff n’empêche pas que, selon ses chiffres mêmes, près d’un homme sur trois demande la garde partagée, ce qui n’est pas rien, quoi qu’elle insinue. Quant à sa présumée statistique de 80 % de garde partagée accordée, on se demande bien où elle a pu la trouver ! Il s’agit du bon pourcentage, mais appliqué à la garde « partagée »… intégralement à la mère.
Comment pourrait-il en aller autrement, quand on prend connaissance des propos calamiteux d’Anne McLellan, ministre fédérale de la Justice de 1997 à 2002, qui déclarait, dans l’Alberta Advisory Council on Women Issues, cité dans l’essai 300 000 femmes battues, y avez-vous cru ? : « … un nombre croissant de spécialistes suggère aujourd’hui, que la garde partagée perpétuerait l’influence et la domination des hommes sur les femmes… » Est-il besoin d’ajouter quoi que ce soit pour qualifier l’ouverture du fédéral sur la garde partagée ? Bien sûr, le Québec a ses lois, mais la position de l’ancienne vice première ministre demeure représentative d’un courant général, comme nous le verrons plus bas.
Dans un tel contexte, comment s’étonner de l’existence d’un mouvement de plus en plus important de groupes de pères qui s’insurgent contre une justice à sens unique ? Si la garde partagée était accordée aussi facilement que Mme Pelchat l’affirme, pour quelle raison tous ces hommes et les femmes qui les soutiennent s’agiteraient-ils ? Ils n’ont pas le câble à leur télé, aucun hobby, hormis de s’énerver sans motif ?
Le spectre de la violence conjugale
Denyse Côté, auteure de La garde partagée : l’équité en question, a tenu ces propos le 1er mars 2002 dans La Gazette des femmes : « Dans la majorité des cas, les femmes en font plus et s’avèrent de meilleures pourvoyeuses, surtout quand les enfants sont jeunes. Cela demeure vrai après la séparation, même en garde physique partagée. Autrement dit, on désire l’égalité mais on hérite d’un système inégalitaire. Plus grave: cette forme de garde se révèle inéquitable si elle est imposée dans les cas de violence conjugale. »
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Denise Côté |
Ça y est, les mots fatidiques « violence conjugale » sont lâchés, en écho à la notion de domination masculine évoquée par McLellan. Côté poursuit sur sa lancée : « Souvent, la violence conjugale n’a pas fait l’objet d’une dénonciation formelle de la part de la mère. Parfois, les avocats en connaissent l’existence mais disent: «C’est un bon père, il n’a jamais été violent avec l’enfant, on peut recommander la garde partagée». J’aimerais vraiment savoir si pareille attitude des avocats s’est manifestée au point de devenir problématique, et dans quelle mesure la garde partagée a effectivement été accordée. On peut légitimement douter qu’il s’agisse d’une tendance lourde. Mme Côté passe par ailleurs sous silence les cas de maltraitance infligée aux enfants par la mère, allant jusqu’au meurtre, aussi nombreux sinon plus que ceux causés par le père.
Le camp choisi par Mme Côté reste clair, comme en témoigne ce commentaire, qui contredit incidemment Mme Pelchat sur les largesses présumées de la justice envers les pères qui demandent la garde partagée : « Il est vrai que la garde légale des enfants va encore aux mères en majorité. Mais cela n’a rien d’une injustice puisque les femmes s’occupent toujours davantage des enfants, avant ou après la séparation. » Messieurs, qui séchez avec votre fin de semaine sur deux, tenez-vous le pour dit : la compétence parentale est féminine, à moins qu’elle ne soit féministe.
Je précise ici que c’est à la demande de maisons d’hébergement que Mme Côté a entrepris sa recherche, ce qui en dit long sur la position de ce type d’établissement sur la garde partagée. Vous serez sans doute surpris d’apprendre que l’emblématique Fédération des femmes du Québec s’insurge contre toute modification à la loi sur le divorce « qui vise à instaurer un régime automatique de garde partagée », tel qu’elle l’affirmait lors de son assemblée générale annuelle de 2009. Même position du côté de la Fédération des associations des familles monoparentales et recomposées du Québec, qui endosse et publicise les conclusions de Mme Côté. La garde principale à la mère demeure la seule option envisageable après une séparation aux yeux de ces féministes radicales.
Des psys… à l’écoute ?
Du côté de certains intervenants, le portrait du père séparé n’est guère plus reluisant, comme en témoigne celui brossé par Maurice Berger, psychiatre et psychanalyste : « Aujourd’hui, nous connaissons tous des enfants qui passent deux semaines par mois parqués devant la télé du parent qui s’était le moins occupé d’eux, et dont l’équilibre et la réussite scolaire s’en ressentent. Mais les « droits du Père » imposent le silence. En effet, que le partage des tâches soit symétrique ou non (il l’est rarement), les pères séparés/divorcés y gagnent un prétexte de maintien de l’autorité paternelle, une part égale des avantages fiscaux et sociaux et, surtout, l’occasion de conserver le domicile familial et de récuser toute responsabilité de pension alimentaire. » Avec de tels oracles, plus besoins de militantes pour dénigrer les hommes.
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Annie Devault |
Heureusement, tous ne pensent pas comme ce spécialiste à l’esprit étroit. Annie Devault, une psychologue auteure de nombreux articles portant sur le thème du rôle et du maintien de l'exercice du paternel après une rupture conjugale, considère que «c’est une minorité de pères qui ne veulent pas s’occuper de leurs enfants». Elle reconnaît même que «les mères ont encore beaucoup de pouvoir dans la sphère privée de la famille, et en particulier au niveau des soins et de l’éducation des enfants». Les pères sont alors «souvent prêts à faire des concessions importantes pour voir leurs enfants, comme déménager près du lieu de résidence de la mère ou encore refuser des promotions. Les pères les plus blessés par un divorce sont ceux qui étaient présents avec leurs enfants». La psychologue souligne que la dépression, voire même des idées suicidaires, peuvent survenir chez plusieurs pères après une séparation, autre état de fait qui cadre mal avec le portrait réducteur d’adulescent attardé brossé par Berger.
Allant plus loin encore, Lise Bilodeau, présidente de l’Association des nouvelles conjointes et nouveaux conjoints du Québec, citée par Richard Martineau, n’hésite pas à dénoncer l’irresponsabilité de certaines ex conjointes, un point de vue qui ne ralliera pas Mme Côté et l’angélisme de sa perception des mères : « Cela fait 15 ans que je claironne que les pensions alimentaires pour enfants devraient être déposées dans un compte en fidéicommis (in-Trust). Ainsi, les enfants en verraient la couleur. Autrement, la pension sert souvent à payer des motos, la nourriture du cheval, le toilettage du caniche, les voyages dans le Sud et les implants mammaires. » Si vous étiez juge doté de discernement, accorderiez-vous la garde principale à pareils spécimens maternels ?
Lueur d’espoir
En 2008, le Conseil de la famille et de l’enfance lançait une recherche ayant pour titre L’engagement des pères, privilégiant l’intérêt des familles et de l’enfant. Aussi incroyable que ça paraisse, aucun recensement n’indiquait le nombre de pères, tant au Québec qu’au Canada. Seuls les pères monoparentaux, soit 68 025 hommes, avaient été dénombrés en 2001 au Québec. Uniques soutiens familiaux, ils devenaient par le fait même inévitables.
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Le père, irremplaçable. |
Devant cet étonnant constat, le Conseil jugeait « important de mieux définir la place des hommes dans la famille, d’abord parce qu’il est de plus en plus reconnu que les enfants retirent des avantages indéniables de la présence d’un père, ensuite parce que l’objectif d’égalité entre les femmes et les hommes ne pourra se réaliser que dans la mesure où les responsabilités liées aux enfants seront partagées, au même titre que les responsabilités financières de la famille le sont. » Discours novateur et rafraîchissant, non ?
Si en 1995, à peine 11 % des enfants de parents divorcés vivaient en garde partagée, ils représentaient 29 % d’entre eux en 2003. Neuf ans plus tard, ce pourcentage pourrait bien avoir encore augmenté, au grand dam de nos militantes, qui devraient se résoudre à cesser leur bloquage stérile et à prendre note de ce constat du Conseil : « (…) la dernière chose dont les hommes ont besoin pour être soutenus dans leur parcours vers une paternité assumée, c’est d’être décrits à l’aide de clichés réducteurs. » À bonne entendeure, salut !