C'est dans le contexte de la saga opposant
Jian Chomeshi à son ancien employeur, CBC, ayant congédié cet
animateur pour s’être adonné à des pratiques sexuelles sadomasochistes, que
Julie Miville-Dechêne a jugé opportun de sortir de son placard et d’affirmer publiquement avoir subi une agression sexuelle étant jeune. C’est dans le but louable d’encourager les
victimes de telles violences à dénoncer leur agresseur que la présidente du
Conseil du statut de la femme a posé ce geste dramatique.
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Julie Miville-Dechêne |
Une question : pourquoi JMD ne donnerait-elle pas l’exemple en portant plainte contre son
agresseur et en décrivant, sans détails « croustillants » mais clairement,
l’agression subie ? Loin de s’apparenter
à de l’exhibitionnisme, une telle attitude aurait sans doute un effet
d’entrainement autrement plus puissant sur les victimes que des déclarations
qui impliquent, au contraire, que la féministe a préféré garder le silence
devant la violence sexuelle qu’elle affirme avoir subi.
Qu’est-ce qu’une agression
sexuelle ?
Une
telle déclaration implique la nécessité de définir ce qu’est une agression
sexuelle d’un point de vue féministe, puisque c’est une représentante de premier plan de ce
mouvement qui prend position. Selon les centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, il s’agit d’ « un acte de domination, d’humiliation,
d’abus de pouvoir et de violence, principalement commis envers les femmes, les
adolescentes et les enfants, contre leur volonté.
C’est imposer des attitudes, des paroles, des gestes à connotation sexuelle, sans le consentement de la personne, et ce, en utilisant le chantage, les privilèges, les récompenses, la violence verbale, physique ou psychologique. »
On constate d'emblée le biais idéologique d’une pareille définition. Malgré la pléthore d’agressions sexuelles subies par les garçons, enfants et adolescents, dont regorgent les faits divers, on met l’accent sur les adolescentes. Dieu merci, enfants est un mot masculin, mais on peut douter dans ce cas-ci que les garçons soient très considérés par les calacs. Et que dire des victimes masculines une fois devenues hommes, particulièrement s'ils ont été abusés par leur mère.
À noter surtout l’interprétation extrêmement large et floue d’une agression sexuelle qui va nettement plus « loin » que celle du code criminel. Dans le cadre d’une telle définition, impliquant « des attitudes, des paroles, des gestes à connotation sexuelle, sans le consentement de la personne », bien des gestes déplacés allant de la plaisanterie balourde à la banale grossièreté, ou au compliment maladroit, peuvent devenir matière à accusation. Il ne faudrait pas sombrer dans la paranoïa.
Ce constat est d’autant plus vrai que la définition du code criminel canadien va droit à l’essentiel et reste d’une clarté dénuée de toute
ambigüité : « L’infraction d’agression sexuelle comporte trois degrés
de gravité. Il s’agit de l’agression sexuelle simple (art. 271), de l’agression
sexuelle armée (art. 272) et de l’agression sexuelle grave (art. 273)1,2.
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On est loin du geste déplacé... |
Agression
sexuelle simple (niveau 1) : Tout contact physique de nature sexuelle
posé sans le consentement de la personne, allant des attouchements à la
relation sexuelle complète.
Agression
sexuelle armée, menaces à une tierce personne ou infliction de lésions
corporelles (niveau 2) : Agression sexuelle dans laquelle
l’agresseur porte, utilise ou menace d’utiliser une arme ou une imitation
d’arme; menace d'infliger des blessures à une personne autre que la victime;
inflige des blessures (lésions) corporelles à la victime; ou quand plusieurs
personnes commettent une agression sexuelle sur la même personne.
Agression sexuelle grave (niveau 3) : Agression sexuelle au cours de laquelle la victime a été blessée, mutilée, défigurée ou encore que sa vie a été mise en danger par l'agresseur. »
Nous voilà bien loin des regards insistants, des sifflements dans la rue et des plaisanteries cochonnes de fins de party. Se peut-il qu’à force de vouloir lutter contre la banalisation des agressions sexuelles, le mouvement féministe en soit arrivé à une telle dramatisation de celles-ci qu’il risque, par ses cris d’orfraie, de rater la cible et d’entrainer un je-m’en-foutisme accru d’un délit déjà suffisamment grave sans qu’il soit nécessaire d’en rajouter ?
Quelle crédibilité a JMD ?
À
la lumière de ces observations, il serait judicieux de s’interroger sur les
déclarations de Julie Miville-Dechêne du fait qu’il s’agit des propos d’une
féministe qui, en principe, adhère à la définition des calacs, organismes
subventionnés par l’État québécois dont le Conseil du statut de la femme relève
directement.
Comme
la présidente ne donne pas de précisions sur l’agression subie, nous sommes en
droit de nous demander si elle a été victime d’une agression de niveau 1, 2 ou
3, ou des propos grivois et avinés d’un mon oncle au cours d’un party du temps
des fêtes. Je sais, ma question peut
sembler déplacée si JMD a vraiment subi une agression sexuelle telle que
définie par le code criminel canadien, mais je crois qu’il faut la poser.
Les
agressions sexuelles restent un drame humain bouleversant pour celles et ceux
qui les ont subies. Aussi reste-t-il
judicieux de traiter le sujet avec toute la sobriété, le recul et la clarté qu’il
nécessite si l’on veut conserver un indispensable équilibre entre la nécessaire
dénonciation, voire la prévention de ce fléau, et la chasse au sorciers qu’une
définition trop vaste et ambigüe ne manquerait pas d’entrainer.
Dans
cette optique, JMD devrait connaître, en journaliste compétente qu’elle a déjà
été, la limite qu’Il faut savoir observer entre en dire trop, ou pas assez.