La nouvelle n'a pas fait grand bruit au plan provincial, sans doute noyée par l’interminable feuilleton de la crise opposant les associations étudiantes au gouvernement québécois, mais elle mérite pourtant que l’on s’y arrête. Un ancien comptable trifluvien, Alain Piché, 40 ans, auteur en 2007 du meurtre sordide et dément de ses deux parents, vient de se voir autorisé à effectuer des sorties sans surveillance, tout en demeurant cependant détenu à l’institut Philippe-Pinel de Montréal. Vous avez bien lu.
Alain Piché |
Le cas de cet homme présente d’étonnantes similitudes avec l’affaire Turcotte, qui a monopolisé la scène judiciaire l’an passé. L’ancien cardiologue, après avoir assassiné ses deux enfants, pourrait-il, à l’instar de Piché, circuler librement et sans encadrement ? Une telle perspective pourrait-elle constituer un premier pas vers une libération permanente ? Il s’agit là d’une possibilité bien réelle…
Des têtes pourraient bien tomber
Dans le « Lotus bleu », Tintin se voit pourchassé par un jeune homme qui cherche à lui trancher la tête. Victime du « poison-qui-rend-fou », l’enragé n’agit ni par intérêt, ni par vengeance, mais bien pour « montrer la voie » au célèbre reporter. Un antidote providentiel, récupéré par ce dernier, et le malade, enfin guéri, pourra retrouver une vie normale auprès de sa famille. Une belle conclusion. Il semble que l’optimisme bon enfant des albums d’Hergé ait atteint la Commission d’examen des troubles mentaux, puisque c’est cette instance qui vient d’autoriser Piché à circuler librement sans surveillance. Son risque de récidive serait faible, puisqu’il n’en serait qu’à sa première offense. J’espère que vous voilà rassurés.
Le hic, c’est que le délit de Piché ait banalement consisté à assommer ses parents, les 20 et 21 mars 2007, avant de les décapiter et de conserver leurs corps dans un congélateur. Comme l’agresseur de Tintin, Piché n’avait aucun mobile crapuleux apparent. Je dis bien « apparent », puisque le meurtrier s’est vu autoriser en 2010 à toucher l’héritage de ses victimes, malgré un verdict de première instance, prononcé en 2008, lui niant ce droit. Comme Piché a été déclaré non coupable pour troubles mentaux, la Cour d’appel bénéficiait d’un pouvoir discrétionnaire lui permettant de casser ce verdict. Dans ce cas précis, le crime a payé, apparemment.
Première tentative
Au moment du drame, le schizophrène paranoïde, ayant cessé sa médication, était en proie au délire de sauver cinq millions d’habitants du Sud de la France. On a tous besoin d’un hobby. Dieu seul sait comment cette mission est devenue, aux yeux du meurtrier, compatible avec l’homicide de ses géniteurs. Comment ne pas comprendre sa famille de s’inquiéter vivement devant la perspective de sorties sans supervision ?
Piché a beau avoir réalisé des progrès remarquables, nous assure-t-on, grâce au réajustement de sa médication, on imagine mal comment, à court ou à moyen terme, ce patient pourrait retrouver une vie normale, même progressivement, et devenir autonome. Pas besoin d’une intuition surnaturelle pour anticiper les conséquences incalculables que pourrait entraîner un nouveau refus de se médicamenter.
Quand la réalité dépasse la fiction... |
En 2008, une première tentative d’autoriser la réinsertion graduelle de Piché, incluant naturellement des sorties sans surveillance, avait été effectuée auprès de la Commission d’examen des troubles mentaux par la médecin-psychiatre Lyne Beauchemin. Est-ce parce que cette initiative avait suscité un tollé régional retentissant, toujours est-il que la Commission devait rejeter la requête de la spécialiste.
Peu après, Piché faisait à nouveau la manchette après avoir tenté de mettre le feu à une section du Centre de santé et de services sociaux de Sainte-Thérèse, à Shawinigan, où il était devenu résident. C’est à la suite de cet exploit qu’il allait être pris en charge par l’Institut Pinel où il habite toujours. C’est bien cet homme qu’on avait envisagé une première fois de libérer sans surveillance… Rassurant, n’est-ce pas ?
Et maintenant…
J’ai avalé mon café de travers en lisant l’incroyable nouvelle, ce jeudi, 10 mai. L’impensable, empêché en 2008, d’autoriser à Piché des visites sans surveillance, venait juste d’être commis et rendu public. Selon son psychiatre traitant, le Trifluvien s’était révélé un bon garçon au cours des 18 derniers mois, dénotant une absence de symptômes et une dangerosité jugée minime. Ce portrait ne ressemble-t-il pas à celui du même homme, peu avant qu’il ne tente de déclencher un incendie ? Et l’intéressé de nous rassurer : « «Je suis capable de faire la distinction entre le malade psychotique que j'étais et la personne que je suis. Dans un état normal, je suis non violent et pacifique.» Il a bien dit : « dans un état normal »…
Non seulement Piché pourra-t-il sortir seul, selon des fréquences et durées encore à déterminer, mais la Commission a refusé de lui imposer les conditions, demandées par le procureur aux poursuites criminelle et pénales, Jean-François Bouvette, de posséder des armes et de consommer alcool et drogues. Rendu là, j’ai repoussé à plus tard l’ambitieux projet de continuer à boire mon café en paix. Le procureur ne devait pas cacher son indignation, au prononcé de la décision : « Je m'attendais à ce qu'il ait droit à des sorties, mais j'aurais aimé que le public soit mieux protégé. Il n'a même pas la condition usuelle de garder la paix et d'avoir une bonne conduite.»
Institut Philippe Pinel |
Me Bouvette demeure persuadé que l’homme n’est pas prêt à sortir : « «Il a pour l'instant un discours rationnel face à de possibles situations hostiles. Il soutient également n'avoir aucune inquiétude quant au fait de sortir seul dans la ville. Il tenait le même discours lors de son hospitalisation à l'Hôpital Sainte- Thérèse à Shawinigan. Ses sorties avaient d'ailleurs été suspendues par la Cour d'appel. Ce n'est pas normal, surtout qu'il dit lui-même avoir besoin d'encadrement, mais qu'il n'a pas de plan précis de sortie.»
La Commission a beau envisager la dangerosité d’un malade envers la société, mais il y a lieu de se demander si elle considère la dangerosité de la société envers ce même malade. Sans doute conscient du risque pour sa sécurité, Piché a renoncé à retourner dans sa région natale, la Mauricie. Les Montréalais, excédés par les manifestations à répétition qu’ils endurent depuis trois mois, pourront ainsi changer leur mal de place à la riante perspective de savoir que c’est leur région que le pensionnaire de Pinel a choisie pour ses excursions non supervisées. Son avocat de les rassurer : « (…) je ne pense pas qu’il représente un danger pour la société, surtout que ses sorties seront limitées dans le temps. » Bon, vous voyez bien…
Et Turcotte, dans tout ça ?
On ne peut s’empêcher d’établir des similitudes entre l’affaire Piché et le cas Turcotte : double meurtre sordide, monstrueux, verdict de non responsabilité criminelle, cheminement psychiatrique incertain, perspectives de libération partielle ou totale. Une seule différence : le cas d’Alain Piché n’a pas beaucoup dépassé les limites de la Mauricie, tandis que celui de Turcotte a fait la manchette nationale. Pourtant, les enjeux restent les mêmes, comme les perspectives et les risques, pour les meurtriers comme pour le public.
Guy Turcotte |
Ajoutons que, à la différence de Turcotte, fréquemment considéré comme un manipulateur vindicatif n’acceptant pas la rupture initiée par son ex conjointe, la maladie mentale de Piché ne laisse la place à aucun doute. Une question demeure, cependant : qu’ils soient considérés comme non criminellement responsables ou non, de tels individus, auteurs de crimes monstrueux, peuvent-ils réellement espérer mener une existence « normale », au sein de la collectivité ? Et les institutions dites responsables, sont-elles en mesure d’assumer ce risque tout en garantissant la sécurité des citoyens ? Les enjeux, ici, demeurent plus considérables que la simple préservation de leur crédibilité.
4 commentaires:
Turcotte devra payer un jour ou l'autre pour le meurtre prémédité de ses enfants dans le seul but de briser la mère. Il souffrira ce que ses enfants et son ex-femme ont souffert et je veux vivre assez vieille pour voir ça.
Il y a une justice de toute façon même si nos juges sont cléments, l'autre justice l'est en rapport avec ce qu'il aura fait. Espérant qu'il ne pourra en commettre d'autres.
C'est le principal souhait que l'on puisse formuler, d'autant plus que Turcotte sera finalement autorisé, sous peu, à des sorties sans supervision !
Que cet homme soit criminellement responsable des ses actes ou non, il est certain qu'il ne devrait en aucun cas être remis en liberté à court ou à moyen terme. Même à long terme, je ne parierais pas pour un risque qui puisse être assumé par la société.
Fou comme un psychiatre !
Et dire que ce système de justice déliquescent m'a reconnu coupable de violence conjugale sur la base d'une preuve inexistante - que voici : http://is.gd/tKADtQ La rougeur notée dans le rapport de police n'était en réalité qu'une sucette laissée par un amant de passage que les flics ne se sont jamais donné la peine de photographier alors qu'ils en avaient pourtant l'obligation - et qu'au terme de l'exercice, on m'a interdit d'avoir des armes et de consommer de l'alcool ! Sommes-nous dans une maison de fous, coudonc ? La conjointe avait appelé la police afin de dissimuler sa relation adultère. Ainsi, au Qc, la justice expédie en prison un homme parce que sa conjointe l'a trompé. Bienvenue au Féministan !
Ce genre de situation serait la première cause de fausses allégations, devant le syndrome de Munchausen et la volonté de vengeance, selon un chercheur cité par Michel St-Yves, qui est lui-même un véritable spécialiste de la question des agressions sexuelles, contrairement aux "spécialistes"' des Calacs, incapables de citer la source de leur mantra favori : "Une femme sur trois - ou quatre - sera un jour victime d'une agression sexuelle".
http://olivierkaestle.blogspot.ca/2011/06/1-femme-sur-4-agressee-sexuellement-une.html
Le blog d'Olivier Kaestlé: 1 femme sur 4 agressée sexuellement : une énigme statistique
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