dimanche 27 janvier 2013

La cinquantaine, c'est plus comme dans le temps...

Un sujet plus léger aujourd'hui, en attendant que la poussière retombe sur la défaite inespérée et salutaire de Lola, une victoire de la - véritable - liberté de choix sur le féminisme victimaire et le corporatisme familialiste.  Toujours accessible à tous, cette chronique s'adresse plus particulièrement aux personnes de 50 ans et plus, mais les plus jeunes ne perdront probablement pas leur temps.

Mon père, José Kaestlé.
Avez-vous remarqué comme la réalité de vivre aujourd'hui sa cinquantaine n'a que peu à voir avec celle de traverser le même cap dans le temps de nos parents ?  À 54 ans, contrairement à mon père au même âge, ma vie reste toujours devant moi, avec mes activités immédiates, mes projets à moyen et à long termes, mes aspirations et mes ambitions.  Je suis en mouvement, et ma vie suit cette trajectoire, à moins que ce ne soit le contraire.  Hier soir, parti souper chez des amis, je relevais cette évolution, du temps de nos parents à nos jours, et mes hôtes en arrivaient au même constat.   

J'évoquais alors une anecdote mettant en cause mon père et moi, qui confirmait bien, pensais-je, ce point de vue.  Un jour, mon paternel, alors âgé de 55 ans, me tint ce discours : Tu sais, mon fils, nos vies, à ta mère et moi,  sont derrière nous.  C'est pour toi et pour ta sœur que ta mère et moi travaillons chaque jour.  À une autre occasion, avant de faire l'épicerie avec ma mère, il renchérit : Tu sais, mon fils, c'est pour ta sœur et pour toi que ta mère et moi travaillons, ce qui nous permet de payer cette épicerie afin que vous ne manquiez de rien.  Une fois suivante, évoquant le montant de notre hypothèque, et son taux d'intérêt majoré, il souligna : Tu sais, mon fils, c'est pour ta sœur et pour toi que ta mère et moi travaillons, afin de vous offrir un toit sur vos têtes.  

Il en allait de commentaires similaires concernant le chauffage, les vêtements, l'entretien de la maison et d'autres sujets dont je vous épargnerai l'inventaire.  Je crois que mon père avait raison de nous inculquer, à ma soeur et moi, l'importance du travail dans la vie, et de nous enseigner le principe que l'on n'a rien sans effort.  Un jour, pourtant, ayant compris depuis longtemps la leçon, je finis par trouver son discours redondant.

Tu sais, mon fils...
J'avais la plus grande estime pour mon père, chez nous le parent principal, devant ma mère, dont les compétences parentales ne pouvaient rivaliser avec celles de son mari.  Ma mère incarnait à elle seule plusieurs des incohérences dont je devais plus tard trouver l'écho - pour ne pas parler de correspondances flagrantes - dans le féminisme d'État actuel, mais ça c'est un autre débat.

Malgré l'affection et l'admiration que j'éprouvais pour mon père, je ne pus m'empêcher de réagir, lors de son énième commentaire débutant par Tu sais, mon fils,  c'est pour ta soeur et pour toi que ta mère et moi...

Avant qu'il ne finisse sa phrase, je rétorquais : Tu sais, Papa, si je comprends bien, si Maman et toi ne nous aviez pas, Marie-Josée et moi, vous ne travailleriez pas, vous ne feriez donc jamais l'épicerie, vous n'auriez pas de toit sur vos têtes, vous chaufferiez encore moins, seriez frigorifiés sans vêtements chauds, et finiriez probablement vos jours sous le pont Laviolette, transis, une bouteille d'alcool cheap dissimulée dans un sac brun ?

D'abord estomaqué par cette tirade, mon père ne trouva tout simplement rien à répliquer.  Je surpris un peu plus tard un sourire malicieux dont il avait le secret, qui semblait vouloir dire : Bon, le jeune coq vient de pousser son cocorico !  Mon père prenait souvent un malin plaisir à mettre mes idées à l'épreuve en se faisant l'avocat du diable, exercice salutaire dont je réalise aujourd'hui à quel point il m'a été utile pour forger ma pensée.  Je suis sûr que, d'abord désarçonné, il s'est ensuite senti fier de l'esprit de répartie et de l'argumentaire de son fils.  Il ne me l'a pas dit, il n'en avait pas besoin.  Entre un père et son fils, parfois, un sourire suffit.

Il existe cependant des leçons que nos parents nous donnent malgré eux.  Au fil des ans, j'ai toujours décidé que, contrairement à la philosophie de mon père, ma vie serait toujours devant moi.  Jusqu'au bout.

15 commentaires:

Josick a dit…

"afin que vous ne manquiez de rien"... Typiquement l'expression d'une mentalité incestueuse, sens primaire du terme (cf. Aldo Naouri).
Moi mon père, afin que nous ne manquions de rien, a même reconstruit l'histoire sainte sur la ferme. Ainsi il a eu un fils Joseph mais camouflé en Josick, puis une fille Marie-Line... Et enfin pour abriter ce petit monde, un maison qu'il a appelée "L'étoile de ...".
Après, dans ce cadre incestueux, perfection du lien mère enfant qui n'a pas besoin du père, pas étonnant qu'il y a des accidents comme cette mauvaise bonne jouisseuse de mon enfance qui m'utilise comme instrument de sa jouissance, me serrant très fort contre elle... La mémoire m'en ai revenu 17 ans après.
Le coupable en est la mentalité incestueuse parentale reflet d'un monde dont nous ne sommes pas encore sortie.

Josick a dit…

"Un sujet plus léger !" Je ne vois pas en quoi c'est léger. Au contraire, c'est même du lourd, du très lourd ! Nos pères étaient déjà sous coupe féminine : "moi et ta mère", pour dire "ta mère".
Le magasin était à la maison même,
je suppose... Tout a portée de main comme chez ces pasteurs cueilleurs philippins que je fréquente.
La révolution agricole, se doter de racines et donc d'un futur, restait à faire pour ce monde. La véritable ouverture au monde de l'échange n'était pas faite.

Josick a dit…

Désolé pour les fautes d'orthographes dans mes précédents messages... La fatigue... A lire, de Georges Barbarin : "La vie commence à 50 ans !"

Hélène Grenier a dit…

Touchant! Très touchant!
Votre père n'était pas parfait, mais il aimait ses enfants. Au fond, c'est ce qu'il dit quand il commence en disant «tu sais mon fils...»

Anonyme a dit…

Quelle étrange coincidence. Nous avions un souper de famille vendredi soir et le grand sujet de conversation fut justement la cinquantaine. L'ainé y est déjà (52), ma soeur le sera en Juin, je la suivrai en juillet l'an prochain et mon petit frère, l'an d'après. Nous avions donc tous qq chose à dire sur le sujet et nous sommes tous tombés d'accord: nous traversons tous les plus beaux moments de nos vies. Plus calme, plus sereins, plus "focus" sur les choses importantes et moins stressés par les pécadilles. Tous avons des plans: voyager, apprendre l'espagnol, danser le tango, aller plonger dans un volcan actif (devinez qui hehe)- bref, pas de retraite ou de ralentissement pour personne; pas de "ah merde, ma vie est derriere moi".
Certes, cela n'exclut pas quelques regrets (qui n'en a pas)mais le défaitisme ou la mélancolie du bon vieux temps n'a jamais pointé le bout du nez. Quatre personnalités totalement différentes- quatre constats similaires. La vie est belle à 50; peut-être même plus belle que quand nous étions jeunes et ennervés.
Il nous en reste moins mais on l'assume mieux.
Et dire que toute cette discussion s'est amorcée pcq My Generation des Who passait à la radio. "Hope I die before get old..."

Malthus

Le blog d'Olivier Kaestlé a dit…

@ Hélène Aucun doute là-dessus, Hélène, j'ai eu le meilleur père qui soit pour mon évolution. Je crois que c'est une forme de grâce qui me soutient dans ma lutte pour la reconnaissance de la condition masculine. Je ne peux supporter que des pères aussi valables que le mien soient traités comme des ordures par notre système judiciaire, quand ce n'est pas par notre société même, d'une multitude de façons.

Le blog d'Olivier Kaestlé a dit…

@ Malthus Merci de ce super témoignage qui me confirme des perceptions très personnelles. Moi aussi, je trouve que la vie dans la cinquantaine, ça n'a jamais été aussi zen ! Je me sens à la fois plus jeune, et surtout plus serein, que lorsque j'avais 20 ans. "It takes a long time to be young", disait George Bernard Shaw, si ma mémoire est bonnne. He was damn right !

Anonyme a dit…

-->Hélène

Les pères de cette génération, nés dans la crise et ayant grandit durant la 2ieme Grande Guerre, exprimaient leur affection de droles de facons. Le mien, par example, suivait la règle toute masculine des trois "P": procréer, pourvoit et punit. Exprimer amour et affection relevait de la mère, même si il adorait ses enfants.
Mais une fois l'an, la culture lui permettait de nous le dire ouvertement sans perdre quoi que ce soit de sa masculinité. Tous les premiers de l'an, l'ainé de la famille rameutait tout le monde (femme y comprit) puis nous menait au salon ou il demandait à notre père d'étendre sur nous sa bénédiction paternelle. Nous nous agenouillons alors tous à ses pieds (trrrrrès catholique tout ca) et c'est à ce moment qu'il pouvait nous dire, via une bénédiction qui s'étirait souvent, à quel point Dieu l'avait choyé, à quel point il était fier, etc... etc...
Cet étrange (et O combien désuet) rituel lui permettait de nous toucher, nous caresser la tête et le visage, nous sourire et exprimer toutes ces émotions "féminines" qui l'habitaient mais qui lui étaient culturellement proscrites. Autre temps, autre moeurs.
C'était gauche. Alambiqué. Un peu humiliant aussi.Mais personne ne se méprenait sur le sens profond de la chose ou sur l'importance qu'elle revêtait pour notre père.

Malthus

Hélène Grenier a dit…

Merci Malthus pour ce témoignage aussi touchant. Effectivement, les hommes étaient aussi coincés dans leur rôles que les femmes. Je suis très touchée par ce genre de petites actions, seules occasions de pouvoir manifester son affection. Les enfants vivaient avec ce peu qu'ils recevaient jusqu'à l'an prochain.

Hélène Grenier a dit…

Josick,

Je trouve vos propos tellement à côté du sens de cet article.

Vous voyez le monde à travers votre propre paire de lunette et vous n'avez pas saisi que la vie opprimait TOUS les gens dans des structures sociales et qu'ils faisaient avec ce qu'ils avaient reçu pour le transmettre du mieux qu'ils le pouvaient à leur tour.

Il ne faut pas oublier, que ces pères avaient eux-mêmes peu reçu et qu'ils ne savaient pas comment donner mieux.

Vous pouvez toujours corriger ce pour quoi vous prenez conscience et l'offrir à vos enfants. Mais pour ce que vous ne pouvez prendre conscience, vous ne pouvez pas non plus l'offrir. Arrêtez, SVP, vos prétentions en vous imaginant pouvoir faire mieux que tout le monde!

agence matrimoniale paris a dit…

Très bel article !

Anonyme a dit…

Si je comprends bien, votre haine des femmes provient d'une mère conne... Tout s'explique

Le blog d'Olivier Kaestlé a dit…

Le bon vieux cliché freudien, prêt-à-penser pour pseudo intello "progressiste".

Anonyme a dit…

L'hypothèse se vérifie pourtant souvent. Juste ici on en a deux beaux cas.

Le blog d'Olivier Kaestlé a dit…

Je vous laisse relaxer sur votre sofa.

Une première depuis 2009 : Blogger retire l'un de mes billets.

Pour des raisons indéfinissables, Blogger a retiré mon article intitulé À quand un prix Diane Lamarre ?   C'est la première fois depuis ...