Fléau   en perpétuelle progression, la misandrie dans la pub est devenue au  fil  des ans un sujet récurrent d’actualité.  Vous trouverez plus bas  dans  cette section quatre articles de ma facture avec pour dénominateur   commun ce récent phénomène de société.  Loin de faire le point  définitif  sur le sujet, ces textes vous permettront toutefois peut-être   d’approfondir votre réflexion et de préciser, si ce n’est déjà fait,   votre opinion.  Je mentionne qu’une section Commentaires est disponible en fin de rubrique : n’hésitez pas à y laisser votre opinion si le cœur vous en dit.
Bonne lecture. 
Misandrie : l’avenir de la pub ?
Seul   texte de ce dossier déjà paru dans ce blog, je ne pouvais cependant   l’omettre, tant il fait le point, selon moi, sur l’étendue du phénomène,   pour ne pas parler de fléau.  À vous de juger.  Le voici :
Le   sort réservé au corps de la femme dans la publicité vous indispose ?    Rengainez votre mouchoir.  Cette tendance, de moins en moins prisée,  est  en perte de vitesse, si l’on en croit un récent sondage réalisé par   Léger Marketing pour le compte du Journal de Montréal.  62 % de   Québécois, dont 76 % de femmes, se montrent réfractaires à ce type   d’approche publicitaire.  Le crétin de service, déjà envahissant,   représente en revanche l’avenir de la pub au Québec.  Une majorité de 55   % des répondants juge sa présence acceptable.  Les femmes, plus   particulièrement, se délectent, nous dit-on, de voir des hommes tournés   en ridicule.  
Bref,   loin de reculer, le sexisme joue à la chaise musicale.  Jadis, les   femmes étaient présentées comme des écervelées incapables de faire un   pas sans le secours d’un homme omniscient et sûr de lui.  Maintenant,   c’est au tour des hommes de servir de faire-valoir à des femmes   savantes, matures, pragmatiques et, surtout, en contrôle.  C’est ainsi   que l’on découvre, au petit écran, un benêt qui longe les murs de la   cuisine la nuit avant d’être surpris, comme un gamin, par sa conjointe   perspicace en train de manger en cachette de la crème glacée Breyer’s.    Nous assistons depuis peu au spectacle de deux dadais s’injuriant  autour  d’un « méchant » Whopper, dans des accoutrements reflétant leur  bon  goût gastronomique.  Les pastiches d’insignifiants s’accumulent  toujours  depuis le sommet pitoyable atteint par Whiskas avec son  homme-chat.
Selon   Léger, le pouvoir économique et décisionnel des femmes en matière de   consommation explique cette nouvelle tendance à la misandrie.  Pour ceux   et celles qui ne le savent toujours pas, « misandrie » désigne la  haine  ou le mépris envers les hommes, comme la misogynie traduit la  même  attitude envers les femmes.  Ainsi, malgré l’autonomie accrue de  la gent  féminine, acquise au prix d’un demi-siècle de luttes et de   revendications, il semble qu’une quantité de ses représentantes   éprouvent le besoin de voir l’homme diminué et avili pour se sentir   leurs égales.
Tout   l’irrespect de ces dames envers la gent masculine n’explique cependant   pas à lui seul la dérive où s’engage le monde de la publicité.  Ce   tournant malsain n’aurait jamais été amorcé sans le concours   d’entreprises dépourvues de conscience sociale et d’agences de publicité   sans scrupule.  Leurs dirigeants iraient probablement jusqu’à exhiber   leur postérieur si une telle initiative augmentait leur chiffre   d’affaires.  Le respect de la personne se volatilise à vitesse grand V   devant l’appât du gain.
Si   ce genre de pub indispose des hommes un tant soit peu conscients, elle   ne devrait pas pour autant entamer chez eux le sentiment de leur   valeur.  Il serait par ailleurs injuste d’ignorer les nombreuses femmes   dotées d’une confiance en soi assez solide pour envisager les hommes de   façon égalitaire et qui partagent la même exaspération.  L’impact de  ce  genre de publicité négative reste quant à lui difficile à mesurer  sur  nos garçons, enfants et ados.  Le martèlement de portraits d’idiots   congénitaux ne risque-t-il pas d’affecter leur estime personnelle, en   plus de la difficulté qu’ils éprouvent à se sentir motivés par un   système scolaire conçu pour les filles ?  
Si   nous ne prenons pas au moins la peine de nous poser cette question,   nous pourrions bien, hommes ou femmes, nous révéler sous peu aussi niais   que les nouveaux stéréotypes sexistes qui infestent notre quotidien.
Paru dans Le Journal de Montréal du 15 septembre 2009 et dans Le blog d’Olivier Kaestlé du 11 septembre 2009.
La pub Whiskas ou la misandrie pour les nuls 
S’il   est un de mes textes à avoir été copieusement repris dans des blogs de   tout acabit, c’est bien celui-là.  J’en trouvais quatre pages pleines   sur Google dès sa parution en 2007 dans Le Soleil.  Whiskas n’a pas dû   goûter mon humour particulièrement féroce à son égard : il suffisait de   taper le nom de cette distinguée compagnie, toujours sur Google, pour   que mon article figure parmi les premiers résultats, parfois même avant   leur propre site…  Sans fausse modestie, je crois que ce topo, de   concert avec d’autres protestation citoyennes, bien sûr, a pu contribuer   à inciter ce douteux citoyen corporatif à retirer son rebus…  Voici le   texte en question :
Si   l’image de marque d’une entreprise se fonde sur les valeurs qu’elle   véhicule dans sa publicité, il y a lieu, dans certains cas, de   s’interroger sur les comportements publics ou privés de ses hauts   dirigeants.  
Ainsi,   à quoi ressemble donc un cadre supérieur de Whiskas, de retour à la   maison ?  Après une dure journée de sieste au bureau, sans doute se   frotte-t-il aux pieds de sa tendre épouse, l’implorant en ronronnant de   lui servir un dry martini dans son écuelle préférée.  Après avoir   gentiment lapé le tout, peut-être va-t-il se soulager dans sa litière   absorbante et désodorisante ou mieux, sur un coquet petit lampadaire   stylisé attenant au cabinet d’aisance de Madame ? Pastiche réducteur,   dites-vous ? Pas plus que la publicité méprisante de ce douteux citoyen   corporatif.  Au suivant.
On   pourrait se questionner sur les critères d’embauche d’un directeur,   chez Cadbury, quand une pub d’Aero nous apprend que « Les gars ne   comprennent rien. »  D’après ce précepte, ou bien cette compagnie   n’engage que des femmes, subjuguées par une barre de chocolat, ou bien   elle se veut un havre de réinsertion pour déficients profonds. Comme   cette entreprise a connu récemment une baisse impressionnante de 34, 3 %   de son bénéfice imposable, nul doute que quelqu’un, quelque part, n’a   pas compris quelque chose.  Nos sympathies empressées à tous ses   dirigeants, peu importe leur sexe.
Selon   la même logique, on peut conclure que, chez M & M, les cadres   supérieurs masculins sont manipulateurs et égoïstes tandis que leurs   contreparties féminines se montrent rayonnantes et généreuses.  Il ne   manque que Mario Pelchat, pour chanter à ces dernières qu’« elles leur   pardonnent de n’être que des hommes ».  Cette miséricorde est sans doute   immanente depuis que Corneille a décrété que « Dieu est une femme ».    Qu’il est loin le temps où celle-ci n’était que l’avenir de l’homme ! 
La   Coalition Poids dénonçait récemment l’impact de la publicité   alimentaire sur l’épidémie d’obésité chez les enfants.  Dans la même   perspective, ce n’est pas d’hier que les groupes de condition féminine   ont établi un lien entre publicité misogyne et atteinte à l’estime de   soi des petites filles.  N’est-il pas étrange qu’aucun rapport similaire   n’ait encore été établi entre certaines dérives publicitaires, dont  les  exemples cités plus haut, et le développement des garçons, qu’ils   soient enfants ou adolescents ?
Si   le Petit Robert définit la misandrie comme la « haine ou le mépris du   sexe masculin, des hommes », le Québec peut dormir tranquille : le mot   n’existe pas encore dans le Multidictionnaire de Marie-Éva De Villers,   approuvé par notre Office de la langue française. Par contre, la ou le   misandre, « qui hait les hommes », y menace notre somnolence. 
Serions-nous   sur le point d’émerger d’un coma social ?  Notre collectivité ne  pourra  pas éternellement se satisfaire d’une définition à sens unique  du  sexisme. Pour que le mot existe, il faut deux sexes.  L’époque d’une   psychanalyse de téléroman désuet, opposant  machos et dames de cœur, a   fait long feu.
Paru dans La Presse du 22 septembre 2007, rubrique À votre tour et dans Le Soleil du 7 octobre.
Des policières et des garçons
Vous   souvenez-vous de cette pub présentant, aussi en 2007, une policière   rajustant son uniforme, sans avoir donné de contredanse à un chauffard,   après ce qui avait toutes les allures d’un épisode de gymnastique de   chambre sur le siège arrière d’une Kia ?  Des associations policières   s’étaient mobilisées avec une ardeur guerrière à la défense des femmes   les plus robustes du Québec.  N’est-il pas curieux que pour nos garçons,   enfants comme adolescents, on ne proteste pas avec la même vigueur   contre les modèles de crétins finis dont on les pilonne ?  Pire, on   laisse courir.  Voici ce que j’en pensais, et en pense toujours :
Kia   a su récemment attirer l’attention en remuant les sensibilités.  Sa   dernière publicité présente une policière qui embrasse le conducteur   d’un de ses modèles au lieu de lui donner une contravention.  Plusieurs   associations policières et quelques groupes de femmes ont moussé malgré   eux l’impact de ce message en rendant publique leur indignation.  La   majorité des protestataires réclame le retrait pur et simple de ce   pastiche « réducteur ».
Il   s’agit là d’une position excessive envers une saynète qui relève   davantage du vaudeville que du sexisme primaire. S’il existe un métier   qui devrait commander le flegme devant les plaisanteries douteuses,   voire de mauvais goût, c’est bien celui de policier.  En réagissant si   vivement, les associations nuisent davantage à la crédibilité des   policières que la publicité décriée.  Leur attitude trahit en effet un   paternalisme désuet envers leurs collègues féminines, tombées au rang de   faibles femmes qui nécessitent protection.
Le   rôle d’agente de la paix exige en réalité un sang-froid optimal. On   imagine difficilement ces femmes sombrant dans une névrose identitaire   après le visionnement d’une boutade télévisée.  Le comportement de la   policière présentée reste par ailleurs aussi improbable que le pouvoir   de séduction conféré par une Kia à son propriétaire.  Nous avons affaire   à une fable évidente qui ne saurait être prise au sérieux, même par  les  plus naïfs.  Une perception biaisée des policières par le public ne   risque pas davantage d’en découler. 
Imaginons   maintenant la même réclame nous présentant le conducteur de Kia   achetant la complaisance d’un policier masculin avec un assortiment de   beignes.  Assisterions-nous encore à pareils débordements ?  Sûrement   pas. Cette publicité serait considérée avec la même nonchalance que la   pléthore d’autres tableaux qui nous présente depuis près d’une décennie   les hommes comme des éternels gogos.
Des   hurluberlus qui importunent Annick Lemay pour Uniprix aux conjoints   que des femmes singent entre elles dans un St-Hub, en passant par cet   homme infantilisé par une enseignante devant ses élèves pour Bell   Mobilité, la publicité québécoise multiplie les portraits de nigauds.    Et il faudrait s’énerver d’une publicité spécifique mettant en scène une   policière sulfureuse?  
Cette   récente levée de boucliers contraste avec notre indolence générale   devant l’impact possible des clichés cités plus haut sur nos garçons. Ce   sont pourtant eux, enfants ou adolescents, les êtres vulnérables en   quête d’identité qu’il faut protéger.  Il y a 30 ans, les féministes   dénonçaient avec raison l’impact négatif du martèlement des stéréotypes   d’alors sur les petites filles et les adolescentes.  Si des  associations  policières montent aux barricades au nom de femmes adultes  pour une  seule publicité, ne faudrait-il pas aussi se pencher sur le  sort de  garçons en plein développement ?  Moins d’émotivité et  davantage de  discernement rendraient certainement une telle démarche  porteuse de  sens.
Paru dans Cyberpresse du 23 janvier 2007 et Le Soleil, du 30 janvier 2007.
Dérive éthique à Télétoon… Parce que nous la méritons ?
Le   topo qui suit est un exemple d’action citoyenne, en plus de  représenter  l’un de mes premiers textes d’opinion.  C’est en réaction à  la  diffusion récurrente, en 2003, d’une publicité qui cette fois présentait les   hommes en tant qu’objets sexuels, à une heure de grande écoute sur   Télétoon, une chaîne pourtant destinée à un public enfant ou adolescent,   que j’ai décidé de l’écrire.  Non seulement la pub fut-elle retirée, mais  le  commanditaire, L’Oréal en l’occurrence, m’envoya une lettre  d’excuses,  et par messagerie, s’il vous plaît.  Télétoon, de son côté,  resta coi.   Voici mon texte, suivi d’un fac-similé de la lettre de  L’Oréal :  
Il   y a déjà quelques semaines, je regardais tranquillement la télé en   compagnie de Jérémie, mon garçon de sept ans.  Nous suivions alors   distraitement les péripéties de Scooby Doo, héros grand public bon   teint, sur les ondes de Télétoon, canal également destiné à un vaste   auditoire.  C’était un samedi midi, moment de la semaine où un maximum   d’enfants en congé fait habituellement comme nous.
Arrive   la pause publicitaire et L’Oréal nous présente son dernier gel   coiffant.  Une jolie jeune femme avance avec assurance vers deux jeunes   hommes, beaux eux aussi, quoique efféminés.  Ils la regardent, comme  des  épagneuls observent leur maître, puis se font face tandis que la   séductrice nous fixe d’un air entendu.  Suspense.  Les mâles vont-ils   s’affronter ?
Non   finalement, car nous découvrons que, si le gel ne colle pas, les deux   bellâtres, en revanche, embrassent langoureusement la belle qui leur   joue simultanément dans les cheveux.  Enfin, elle repart, un type à   chaque bras, tandis que chacun d’eux la regarde avec une expression   aussi hébétée que ravie… « Parce que vous le méritez bien. » entend-t-on   en voix « off ».
Je   dois alors me pincer pour m’assurer que ma vue ne m’a pas trompé.    Est-il possible qu’un canal voué d’abord à un public enfant et   adolescent présente une telle publicité à une heure où le plus grand   nombre écoute?  Le film de fesses de fin de soirée à TQS (nous sommes en   2003, NDA) n’aurait-il pas été une meilleure tribune ?  Une compagnie   comme L’Oréal en est-elle réduite à faire la promotion du ménage à  trois  pour vendre sa camelote aux ados ?
Les   croustilles Pringle ont recours à un procédé avoisinant mais, là où   ce commanditaire joue avec plus de « tact » de façon allusive, L’Oréal   ne laisse aucune place à l’imagination.  Soulignons que Télétoon  diffuse  également la publicité de Pringle.
Comme   ces pubs passent de plus en plus souvent l’une à la suite de l’autre   sur ce canal pendant les émissions pour enfants, faut-il conclure que le   CRTC, en laissant faire, cautionne ce genre d’initiatives ?  Par notre   silence, en tant que citoyens et parents, approuvons-nous les valeurs  ou  le style de vie qu’elles proposent à nos jeunes?  Aimerions-nous les   voir y adhérer… comme des huîtres ?
Ce   nouveau penchant chez Télétoon pour les pubs de mauvais goût devrait   nous inciter à lui manifester énergiquement et publiquement notre   désapprobation et à boycotter fermement les produits annoncés.  C’est   une marque de respect élémentaire que nous nous devons à nous-même mais   surtout, à nos enfants. 
Si, par notre inertie, ces derniers devenaient blasés devant tout ce que l’amour humain a à offrir de gratifiant et d’authentique, alors nous pourrons dire, comme L’Oréal, que nous l’aurons bien mérité !
Si, par notre inertie, ces derniers devenaient blasés devant tout ce que l’amour humain a à offrir de gratifiant et d’authentique, alors nous pourrons dire, comme L’Oréal, que nous l’aurons bien mérité !
Paru dans Le Nouvelliste du 7 janvier 2003 et La Presse, rubrique À votre tour, du 19 janvier 2003.
Perspectives
J’espère que ces pistes de réflexion auront su vous intéresser. Vous avez sans doute remarqué que mon propos sur la misandrie dans la pub gravite fortement autour de l’image que nos jeunes garçons, les hommes de demain, développent d’eux-mêmes. Un récent sondage britannique révèle qu’une majorité d’adolescentes les considèrent moins intelligents qu’elles. Est-il possible qu’un environnement scolaire peu adapté aux besoins des gars, combiné au pilonnage de stéréotypes d’idiots congénitaux à la mode dans les pays dits civilisés, soient à l’origine d’une telle perception ? Il est selon moi grand temps de poser la question et de trouver les réponses. Après tout, nos garçons le méritent bien…
Le texte que vous avez lu est le onzième chapitre de mon essai intitulé Le syndrome de la vache sacrée.















 
 
 
 
 
6 commentaires:
Rien de nouveau Olivier. Il semblerait même que les hommes en redemandent.
Et dire qu'on parle encore du masochisme au féminin... ;-)
Bon texte comme toujours M. Kaestlé. Je les dénonce le plus souvent possible même si j'ai deux adolescentes, je le fais plutôt pour mes deux neveux qui sont en bas âge (2 et 7 ans), même si leur père (mon frère) est féministe... En voici une qu'on a vu pendant quelque temps à la télévision. Essayez de savoir qui est le chien-chien de la maitresse condescendante, celui à deux ou quatre pattes:
http://www.youtube.com/watch?v=Gsue6okyqMw
Je n'ai pas de problème de toiture, mais je sais grâce à vous, Stéphane, que je ne ferai par affaire avec Wakefield Bridge pour y remédier si je m'en découvrais.
J'imagine qu'après l'homme-chat de Whiskas, il fallait suivre avec l'homme-pitou de cette compagnie. Pitoyable. Heureusement qu'il existe des citoyens comme vous pour s’inquiéter de l'impact de telles absurdités sur nos garçons. Salutations.
Toujours d'actualité même en 2019 avec Les misandres à Gillette!
Malheureusement...
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