Selon Wikipédia, le mot « barge » possède quatre sens : un bateau à fond plat, un type d’oiseau, une commune italienne de la province de Coni et, en argot, un fou. Il n’est pas question ici d’attribuer cette dernière définition à l’équipe zélée de l’intrépide détective Steve McGarrett, incarné par le non moins opiniâtre Jack Lord, l’âme, tant au plan de l’interprétation, de l’action que de la production de cette série policière, qui fut jusqu’à récemment la plus durable de l’histoire de la télévision, avec 12 saisons. Le québécisme plus ou moins officieux de « barge » désigne plutôt ici une grosse voiture américaine, en tout point semblable aux augustes Ford Mercury noires imposées par Lord dès la première saison.
À notre époque où les crimes sexuels et passionnels élucidés autour d’un cadavre éviscéré constituent la norme, cette série, qui surfe allégrement sur l’ensemble du code criminel américain, captive justement pour cette raison même et pour la variété des déroulements. Pas de formule figée à la Colombo, où nous assistons au meurtre dès le début, ni de prévisible trilogie d’intrigues enchevêtrées du type Les Experts. Hawaii 5-0 nous gave, dès la première saison, d’intrigues soutenues, riches en coups de théâtre et en montées d’adrénaline.
D’un épisode à l’autre, on ne sait à quoi s’attendre : prise d’otage, meurtres en série, enquête par infiltration, trahison, combats truqués, trafic d’influence, de drogues, gourou manipulateur, cambriolages, escroquerie. Tantôt les coupables sont connus dès le début, tantôt les voilà démasqués, sinon révélés, en cours de route, parfois nous les voyons arrêtés à la fin, au signal de la réplique désormais classique : « Bouclez-les, Danny ». Les scénarii et mises en scène sont conçus pour que le spectateur demeure en alerte, dans l’expectative du prochain revirement. Le générique, d’un panache effréné et le thème musical, soutenu et aisément identifiable, méritent à eux seuls le détour.
Bien sûr, il y a eu des redites, en 12 ans : les immuables complets bleus foncés de McGarrett et son inaltérable coupe de cheveux à la Elvis finissent par donner l’impression d’un archétype figé dans le temps. Les grosses « barges » dans lesquelles lui et son équipe se déplacent nous font craindre que leur lourdeur même ne les ralentisse. Les conclusions ponctuées de trop fréquents coups de feu, alors que Jack Lord était un farouche partisan du contrôle des armes, deviennent au fil des ans un peu monotones.
Il serait cependant dommage de bouder son plaisir pour ces détails qui ne doivent en aucun cas éclipser l’originalité de la série, à commencer par le stoïque mais imprévisible personnage principal. Steve McGarrett, complets classiques, coupe de cheveux rebelle, reste un catalogue ambulant de contrastes : stratégique quoique improvisateur, implacable mais compatissant, zen bien qu’impulsif, respectueux des hiérarchies, mais les contournant à sa guise quand rien ne va plus.
McGarrett doit beaucoup de sa substance à son interprète, et vice-versa, probablement. Jack Lord avait la réputation d’un producteur autoritaire, peu expansif, qui demandait le maximum des gens sous sa tutelle. Lui-même était un travailleur inlassable qui n’a jamais compté les heures. Capitaliste âpre au gain, Lord avait pourtant consacré une bonne partie de sa fortune aux démunis de la population hawaïenne et insistait sur l’embauche d’acteurs et de machinistes locaux. Un contraste digne de son personnage. Cette force de la nature devait cependant décéder en 1998, de problèmes cardiaques, après des années de réclusion causée par la maladie d’Alzheimer. Un homme ne meurt jamais tout à fait tant qu’on se souvient de lui. C’est le fascinant pouvoir que permet la pérennité de cette série culte. Aloha, Jack !
1 commentaire:
Perso, je n'ai jamais vraiment suivi cette série de près. Trop typée années 60 ? Et puis, un jour, j'ai remarqué un petit détail. Ce n'était pas difficile de deviner qui serait le "vilain" de l'épisode. En général, il était jeune et portait les cheveux longs.
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