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L'homme, jadis si omniscient... |
Ce n’est pas d’hier que l’on dénonce le sort peu enviable réservé aux hommes à la télé, dans les films ou la publicité. Rien ne semble vouloir cependant infléchir cette tendance globale à la misandrie, bien au contraire. Normal, le sexisme envers les hommes fait vendre. Il est loin le temps où un homme en sarrau blanc expliquait d’un ton condescendant à une ménagère crédule comment son détersif laverait plus blanc que celui de la concurrence. En fait, ce qui rendait une telle pub sexiste n’était pas tant l’évocation d’une situation donnée où l’homme avait incidemment le « beau rôle », mais bien la répétition ad nauséam de ce genre de contexte.
Un tel martèlement enfonçait jadis dans le crâne des petites filles et des adolescentes qu’elles seraient inexorablement vouées à dépendre des hommes, systématiquement présentés comme omniscients et convaincus de leur suprématie. Au fil des ans, le mouvement féministe s’est élevé, non sans légitimité, contre ce lavage de cerveau insistant et insidieux qui s’inscrivait dans le courant des films, séries télé et téléromans des années soixante et soixante-dix.
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La pub Whiskas, un sommet de misandrie. |
Depuis plus d’une quinzaine d’années, un matraquage tout aussi malsain frappe désormais les garçons, enfants comme adolescents, déjà désavantagés par un système scolaire conçu sur mesure pour les besoins des filles et donc étranger aux leurs. Leur estime personnelle et leur développement se trouvent ainsi doublement affectés. Si l’on imagine que nous avons en ce moment des problèmes avec les hommes en ce qui a trait à la dépression, au suicide, à la violence subie et exercée, de même qu’avec leur difficulté croissante à accéder aux études supérieures et à des emplois valorisants, le « meilleur » reste à venir, si d’urgentes prises de conscience n’amènent pas nos sociétés occidentales à rectifier le tir.
Même les meilleurs...
Il y a quelques années, mon fils Jérémie, alors âgé de huit ans, m'avait confié, l'air penaud, qu'il trouvait les filles plus intelligentes que les garçons. Quand je lui avais demandé d'où lui venait cette perception consternante, il m'avait répondu que ces dernières avaient de meilleures notes que leurs confrères masculins. À ses yeux, on pouvait donc mesurer l'intelligence. Je le détrompais en lui citant les cas de Lennon, Einstein et Mozart, génies incontestés mais néanmoins cancres finis.
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Mon fils, Jérémie. |
Or, non seulement mon fils n’éprouvait aucun trouble d’apprentissage ou de décrochage, mais il était considéré nettement plus brillant que la moyenne par les institutrices qui lui avait enseigné jusqu’alors. Aujourd’hui encore, il exaspère ses profs de maths par sa rapidité à terminer ses examens, avec une note souvent parfaite et des solutions parfois inédites.
Comme si la vie ne l'avait pas assez avantagé, Jérémie était - et est resté - un beau garçon, vif, volubile, aux yeux rieurs et à l'humour contagieux. Si un jeune pareil a trouvé le moyen de se sentir moins intelligent que les filles, il faudrait commencer à s'inquiéter du sort réservé à ceux qui ne bénéficient pas des mêmes facilités.
L'effet Twilight
Il n’y a pas que la publicité misandre et un système scolaire prodigue en décrocheurs qui grugent l’estime personnelle des hommes de demain et par conséquent leur aptitude à se réaliser. Le cinéma et les séries télé se mettent insidieusement de la partie. Le décloisonnement entre les films dits de gars et ceux jadis réservés aux filles n’a pas que des effets positifs sur la perception des rapports homme femme par les jeunes. La série des Twilight, histoires de vampires métissées de chick lit est un exemple de certaines dérives.
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Personnages masculins : héros ou faire-valoir ? |
Le fait qu’un type de récits à l’origine favori d’un public masculin attire désormais en majorité des spectatrices indique un net changement de cap. L’homme qui triomphait de l’adversité se voit désormais subordonné à l’héroïne qui règne sur le cœur de ses adorateurs. Les garçons devront-ils se rabattre sur les vieux Dracula, avec Béla Lugosi ou Christopher Lee, pour échapper aux nouveaux stéréotypes de faire-valoir qui les guettent ?
Depuis l’arrivée massive des femmes sur le marché du travail, les producteurs de films ont réalisé qu’elles représentaient un pouvoir d’achat et que le film « d’amour » devenait plus que jamais le véhicule idéal pour en tirer parti, quitte à mettre de « l’amour » partout, à condition que les femmes menent le bal. S’agit-il d’une revanche sur les années où ces dames étaient présentées comme des dépendantes affectives dans l’âme, décoratives mais incapables de prendre une décision et n’aspirant qu’au mariage ?
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Nos héros peuvent-ils tomber plus bas ? |
Toujours est-il que c’est maintenant au tour des hommes de se transformer en satellites accessoires et idolâtres de la dame de leur cœur. Souvent irrésolus, maladroits, mesquins et dominés par une libido ravageuse, les voilà prêts à abandonner toute dignité - chez ceux qui en avaient au départ – afin de conquérir, ou plutôt de s’assujettir, à l’élue de leur cœur. L’apothéose dégénérative de leur comportement de « mâle » atteint son paroxysme au sommet de l’inévitable triangle amoureux où deux cruches lutteront pour conquérir une même potiche.
Le syndrome Bridget Jones
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Les chances d'attirer un public masculin restent minces... |
Depuis 2001 et Le Journal de Bridget Jones, de Sharon Maguire, le centre du triangle n’a même plus besoin d’être irrésistible. Renée Zellweger y incarne une employée d’agence publicitaire, célibataire, rondouillarde, sotte et névrosée. Il est impossible de comprendre ce qui chez elle peut inspirer les pathétiques personnages interprétés par Hugh Grant et Colin Firth. Le premier incarne son patron égoïste mais séduisant et le second, un avocat prestigieux. Alors que les chances, dans la vie, que deux hommes semblables s’éprennent d’un repoussoir comme Bridget demeurent utopiques, les bougres en arriveront aux poings pour conquérir l’objet de leur passion.
Un tel film – et les nombreux autres qui s’en inspirent – a tout pour rebuter la gent masculine de la comédie sentimentale. De nombreuses femmes y trouvent cependant leur compte, plus que jamais. La marche était bien haute quand il fallait jadis s’identifier à Audrey Hepburn, Elizabeth Taylor ou Grace Kelly pour se fantasmer le centre d’intérêt de deux vedettes masculines. Bridget rend le fantasme... « réaliste ».
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Entre stéréotypes et réalité, nos ados ont de quoi se démêler. |
On aura beau dire que la compétition fait intrinsèquement partie de la nature masculine, ce trait de caractère peut très bien se voir intégré au discernement et au contrôle de ses impulsions. Là encore, les relations homme femme se trouvent réduites à un pattern figé, peu représentatif de la diversité des comportements respectifs des deux sexes et de leurs nombreuses possibilités d’interrelations. En clair, le cinéma nivelle les rapports homme femme vers le bas et n’offre à nos jeunes, garçons comme filles d’ailleurs, que peu de perspectives réalistes et constructives sur la façon d’envisager leur vivre ensemble.
Bien sûr, le rôle du cinéma n’en est pas un d’éducation populaire et le fait de donner une dimension relationnelle à des films d’action peut s’avérer bénéfique d’un point de vue évolutif. Après tout, les relations entre les hommes et les femmes font partie de la vie. Il ne faut cependant pas perdre de vue l’aisance avec laquelle on peut glisser des horizons élargis à la propagation de clichés réducteurs et misandres. Alors que l’art se prétend le reflet d’une société, il peut malheureusement prouver son aptitude à devenir générateur d’involution.