vendredi 12 novembre 2010

Affaire Lola : quand les juges se font lobbyistes…

Si, comme moi et plusieurs autres, vous avez suivi les derniers développements de l’affaire Lola, faits d’arme d’autant plus spectaculaires que l’on croyait que la demanderesse serait déboutée, vous êtes sans doute tombés en bas de votre chaise à l’annonce du verdict des juges Marc Beauregard, Julie Dutil et Lorne Giroux, de la Cour d’appel du Québec.  Leur décision de permettre à un ex-conjoint de toucher une pension après une séparation sera lourde de conséquences pour 34,6 % des couples du Québec vivant en union de faits.  Ne nous leurrons pas, « ex-conjoint » sera le plus souvent conjugué au féminin.  Comme 95 % des payeurs de pensions d’anciens couples mariés sont des hommes, 95 % des payeurs de pensions d’anciens couples en union de faits seront des hommes également.

Des avocats à soutenir...

S’abritant derrière de nobles sentiments, à savoir de mettre fin, écrivent les magistrats, à la prétendue injustice que « les conjoints de fait sont moins dignes que les conjoints mariés ou unis civilement de l’article 585», les juges ont invoqué ledit article « qui protège un droit fondamental, celui de satisfaire à des besoins financiers de base après une rupture. » 

Les avocats étant des travailleurs sur-représentés au Québec, ce type de jugement me laisse toujours un arrière-goût de suspicion.  Mais j’ai l’esprit naturellement tordu.  Du temps où Marc Bellemare, ministre de la Justice, souhaitait en 2003 l’abolition du no fault , je ne pouvais m’empêcher d’anticiper le nombre de causes qu’un pareil changement législatif pourrait rapporter à des avocats en mal d’émoluments.  Derrière le justicier désireux de faire payer les chauffards au lieu du contribuable, se cachait selon moi le lobbyiste désireux de veiller aux intérêts de ses pairs.  Quand, grâce notamment au CAA, le public a compris que la majorité des contrevenants n’étaient pas solvables, donc que leurs victimes paieraient des avocats pour se retrouver le bec à l’eau, les projets de Bellemare sont devenus du coup moins attrayants…

Il m’est franchement difficile de voir autre chose qu’une manœuvre semblable doublée de manipulation de la part de ces juges drapés de nobles intentions factices.  Nombreuses sont les voix à avoir dénoncé, avec raison, l’infantilisation de leur décision envers les femmes du Québec et le fait que l’État s’ingérait dans la chambre à coucher des couples.  Les causes de séparation étant déjà un marché lucratif au Québec, puisqu’il avantage plus souvent l’ex-épouse et la mère au détriment du père et des enfants, ce qui entretient la judiciarisation des ruptures, la démocratisation de certaines iniquités aux conjoints de fait permettra à la justice québécoise d’arrondir son chiffre d’affaires.  Business as usual… 

Le prétexte idéal...

Il y a plus.  Une ancienne agente d’aide sociale me faisait remarquer que ce jugement ouvrait la porte à nombre de recours en pensions de la part d’assistés sociaux qui se verront forcés par leur agent de poursuivre leur ex.  Tel était déjà le cas pour les ex-conjoints mariés.  Quelques années auparavant, l’un d’eux, un militant revendiquant la limitation de la pension aux ex-conjointes à trois ans, me faisait déjà remarquer, informations à l’appui, disait-il, que l’État fourbissait ses armes afin d’étendre aux conjoints de fait les mêmes obligations qu’aux couples mariés afin de faire rentrer de l’argent dans ses coffres.  Apparemment, l’affaire Lola a été le prétexte, le déclencheur d’une initiative aussi douteuse…

La décision malhonnête avantageant indûment Lola aura des effets pervers, non seulement sur l’administration déjà biaisée de la justice, mais aussi sur la qualité des relations homme-femme, sur le célèbre refus de l’engagement des hommes et sur le déclin démographique de notre province.  Le mercantilisme féroce s’avère décidément peu compatible avec l’harmonie entre les sexes… 

Sur le même sujet, mon article paru en 2009 :
http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/opinions/points-de-vue/200901/29/01-822246-ou-sont-elles-nos-victimes-dantan-.php

4 commentaires:

Lise Bilodeau a dit…

J'abonde dans votre sens. J'ajoute que nous avons au Québec au moins 16 mille avocats familialistes (donnée de 2006). La majorité des "Joyeux Lurons du Barreau", qui ont défilé jusqu'à maintenant dans les médias, se frottent la bédaine, car ce jugement s'annonce fort lucratif pour eux. Il est faux de prétendre que la Cour prend le temps de tenir compte de la capacité de payer du débiteur. Il est également faux d'avancer que, si le salaire de l'ex conjointe est supérieur à celui de Monsieur, celui-ci n'aura pas à lui verser de pension. Dans la réalité, les faits sont différents, une bursite, une tendinite, une migraine, une dépression, un burn-out viendront peser lourd dans la balance de l'incapacité de Madame à poursuivre sa carrière. Sans compter que Madame pourrait décider de poursuivre des études. Il faut également être prudent quant au contrat de vie, qui pour certains semble être la panacée. En effet, ce dernier ne pourra annuler le nouvel article du code civil. En d'autres termes, nulle entente ne peut passer outre à une disposition légale.

Le blog d'Olivier Kaestlé a dit…

Mme Bilodeau,

Merci mille fois pour ces explications éclairantes et fort bien énoncées. Elles font réaliser que la situation est encore pire que ce que nous en savons. Les journalistes feront-ils leur travail correctement ? Certains s'insurgent déjà. Espérons que tous ensemble nous pourrons au moins donner au gens l'heure juste sur ce changement désastreux qui ne profitera surtout qu'à des individus sans scrupules... Merci encore.

Anonyme a dit…

Bravo Lise pour ta réaction. Puis-je ajouter qu’un juge ne juge pas ! Il applique la loi ! C’est son rôle et c’est le fondement même de la justice.
Mais ici, le Code Civil n’indique aucune loi qui puisse donner une pension alimentaire à une femme dès lors qu’elle a décidé de quitter son amoureux parce qu’elle ne l’aime plus ! Oui, de nos jours, la mode c’est de se quitter dès que l’on se s’aime plus…

Dès lors, l’on ne peut vraiment pas comprendre qu’une telle imposture puisse avoir été commise par ces 3 juges ! En effet, il n’existe aucune loi qui stipule qu’une femme, ayant vécu une relation d’amourette passagère, puisse obtenir une pension alimentaire après rupture !!! Mais où allons-nous ?

Les lois sont pourtant votées au parlement ! Les lois ne sont pas votées au sein d’un tribunal, par 3 juges, pour agréer les souhaits de quelconques individus ! Les lois sont votées démocratiquement, ou bien rejetées tout aussi démocratiquement dans les maisons du peuple : les parlements !
Les lois représentent nos règles de vie, afin d’assurer… entre autres… la paix sociale !

Alors, où se niche la démocratie, et surtout la légalité dans cette prise de position totalement indépendante à notre fonctionnement démocratique ?

Espérons que des juristes et des avocats réagiront contre cette imposture inacceptable et déposeront plainte contre les forfaitures commises par ces 3 juges. Car il s’agit d’une forfaiture !
(Will)

Pierre a dit…

Excellent texte. Le but des avocats est évidemment de faire de l'argent sur le dos des couples qui vont se séparer et de faire payer les hommes. Les profiteuses de toutes sortes vont encore avoir le beau jeu de voler l'argent de le leurs ex conjoints. Encore un moyen d'avantager les femmes aux détriments des hommes mieux nantis. Je peux tu te dire qu'étant très a l'aise je n' ai pas l intention d'entretenir une pauvre pour le reste de mes jours. Donc je vit seul par choix.

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Pour des raisons indéfinissables, Blogger a retiré mon article intitulé À quand un prix Diane Lamarre ?   C'est la première fois depuis ...