Selon
une étude récente, réalisée par des chercheurs en sexologie de l’UQÀM,
ce n’est pas parce que des adolescentes portent des vêtements
émoustillants que nos jeunes se vautrent dans la luxure. Ce document,
intitulé La sexualité des jeunes Québécois et Canadiens : regard critique sur le concept d’ « hypersexualisation », entend déboulonner certains mythes en pleine expansion.
Les
auteurs affirment que la moitié des jeunes attend ses 18 ans ou
davantage avant un premier rapport sexuel et qu’à peine 30 % d’entre eux
vivent cette expérience avant 17 ans. C’est à se demander qui, des
adolescents ou de certains sexologues, professeurs d’université ou
féministes, s’échauffe le plus les sangs avec l’hypersexualisation.
Pendant que ces protecteurs des vertus juvéniles, dont le discours
évoque celui du clergé des années 40, croient que le sexe dénature les
amours adolescentes, 85 % des filles et 83 % des garçons expérimentent
leur première relation sexuelle alors qu’ils sont en couple et
amoureux. Il s’agirait même de 10 % de mieux qu’il y a 10 ans. Faudra
se faire une raison…
Si
au moins la « sensibilisation » sur l’hypersexualisation se contentait
de frapper à côté de la plaque sans dommages collatéraux, on pourrait
toujours laisser courir. Ce discours dogmatique risque hélas d’atteindre
l’effet inverse de celui qu’il prétend rechercher. Selon Martin Blais,
auteur principal de l’étude de l’UQÀM, des jeunes se croiront
« niaiseux » et sexuellement attardés au contact de cette conception
biaisée puisque, penseront-ils à tort, tout le monde a des rapports
sexuels, sauf eux. Des pressions sociales de conformité à des standards
qui n’existent que dans l’esprit d’oracles évangélisateurs pourraient
les pousser à vivre des expériences qu’ils ne désirent pas réellement.
Vincent
Paris, professeur en sociologie, dénonce également cette vision qu’il
n’hésite pas à qualifier de culpabilisante et de stigmatisante à cause
des comportements sexuels extrêmes et minoritaires qu’elle attribue au
plus grand nombre. C’est ainsi que des ados sans malice se voient
apposés l’étiquette d’hypersexués, pour ne pas dire de déviants, par
leurs camarades ou même leurs enseignants, à la suite d’un assaut de
« sensibilisation » dans les écoles. D’autres, une fois
« conscientisés », en viendront à confondre des pulsions sexuelles
légitimes et saines envers leur partenaire amoureux avec une attaque
d’hypersexualisation corruptrice, à l’instar d’épouses et de mères du
temps jadis pour qui le plaisir était source de péché, voire de
damnation éternelle.
« Il
y a un écart entre les propos qu’on entend dans les médias et ce qu’on
lit dans la littérature scientifique, précise par ailleurs Martin Blais.
Même si le vêtement est parfois osé et que l’accès à la pornographie
est facile, les scénarios sexuels des jeunes ont très peu changé. » Il
n’existerait donc pas de rapport aussi étroit entre l’hypersexualisation
des médias, phénomène incontestable, et la sexualité des adolescents à
proprement parler, qui sont loin d’être aussi influençables que d’aucuns
le prétendent.
C’est
par le cliché de jeunes irresponsables qu’il propage, que le discours
victimaire et infantilisant sur l’hypersexualisation cause le plus de
préjudices. Si les ténors de cette approche décident de privilégier le
mieux-être des jeunes sur leur prestige personnel et le son de leur
propre voix, ils pourront, à la lecture de l’étude de l’UQÀM, réviser
leurs positions et relativiser leur propos. Ce serait la moindre des
courtoisies envers nos adultes de demain.
Également paru dans Le Soleil du 1er janvier 2010.
Également paru dans Le Soleil du 1er janvier 2010.
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