C’est en 2003 que Marlène Chalfoun, ex-employée du Service correctionnel, se voyait acquittée d’accusations de complot d’agression
sordide sur trois de ses proches. Elle correspondait en apparence dans
ce but avec deux prédateurs sexuels dont elle était devenue la « petite
Karla » et avec qui elle forma un trio infernal.
Marlène Chalfoun |
Une
question s’impose à quelques esprits tatillons : un homme dans la
situation de cette femme aurait-il bénéficié de la même indulgence de la
cour ? Question encore plus importante : les autorités sont-elles
intervenues afin de contenir le scandale qui allait éclabousser leurs
services, en soustrayant le plus possible de l’attention des médias les
exploits scabreux d’une employée jusqu’ici modèle et bien notée ?
Autopsie d’une énigme criminelle et judiciaire.
En
février 2007, le tribunal d’arbitrage avait tranché : Marlène Chalfoun
ne pourrait plus exercer ses fonctions d’agente de probation. L’arbitre
Lyne Tousignant confirmait ainsi la décision du ministère de la Sécurité
publique qui avait congédié son employée dès son incarcération en
2002. Selon Me Tousignant, Chalfoun avait posé des gestes
« incompatibles avec (ses) fonctions » en plus d’avoir rompu le lien de
confiance avec son employeur et d’avoir « terni l’image du ministère et
de l’administration de la justice. »
Il
n’aurait plus manqué que cette étrange femme, mesurant cinq pieds et
pesant 100 livres, dont la photo avait fait la une pendant des mois,
ayant bénéficié d’un acquittement aussi improbable que sensationnel, ne
réussisse en prime à se voir réintégrée dans les fonctions qu’elle avait
perverties. L’affaire Chalfoun demeure à ce jour l’un des épisodes les
plus troublants et les plus obscurs de notre histoire judiciaire
récente, d’abord en raison des faits établis et de leurs motivations
restées à ce jour ténébreuses, tout autant qu’à cause du déroulement et
du dénouement surréalistes de la procédure judiciaire qui s’ensuivit.
Le
procès de la jeune femme a laissé dans les mémoires une impression de
démission de la part de la Couronne et de dissimulation de la part de la
Cour, malgré des faits allégués de nature à glacer le sang. Mais
pourquoi s’en faire puisque seuls des êtres humains étaient menacés ?
Le complot
Un
complot d’agressions sexuelles supposé, ourdi entre juin et septembre
2002, implique à l’origine Chalfoun et Nick Paccionne, un délinquant
dangereux détenu à Port-Cartier depuis 1998. En mai 2002, Paccione
annexe à leur bizarre tandem Angelo Colalillo, un ancien compagnon de
bagne, plus tard arrêté en même temps que Chalfoun. Il sera désigné au
procès sous le pseudonyme de Frank.
L’individu se suicidera en 2006 avant la tenue de son procès pour
l’agression sexuelle et le meurtre de trois jeunes filles, crimes
évoqués dans sa correspondance avec Paccione et Chalfoun. Nous n’avons
donc pas affaire à un enfant de chœur et l’accusée, diplômée en
criminologie et auteure d’une étude sur les délinquants dangereux, peut
difficilement sous-estimer sa dangerosité.
Les
lettres de Chalfoun font état d’un plan crapuleux. L’agente demande à
Paccione de proposer à Colalillo de s’introduire chez sa cousine, de la
violer ainsi que ses deux enfants, puis de l’éventrer en vue
d’incriminer le mari. Précisons qu’il n’est pas ici question « que »
d’agression sexuelle. Elle se dit prête à fournir l’adresse et va
jusqu’à rencontrer Colalillo une première fois à son commerce. Qu’on la
juge consciente ou non de l’impact de ses gestes, l’agente de liaison
dangereuse glisse peu à peu du complot vers son exécution.
L’affaire
se corse lorsque Chalfoun reconnaît un portrait-robot de Colalillo dans
les journaux, fourni à la suite de la déposition d’une victime qui
s’était donnée pour morte après avoir été menottée, violée et étranglée
en plus de voir sa chambre incendiée. L’agente donne rendez-vous à son
comparse, manifestement angoisssé, le 2 octobre, dans un café de La
Salle sans se douter que l’homme est filé depuis le matin. Une autre
victime survivante l’avait en fait identifié parmi des photos de
suspects. Un policier épie leur conversation à une table voisine tandis
qu’un autre filme l’entretien de l’extérieur. Ils sont arrêtés peu
après.
Chalfoun
nie, lors de son interrogatoire, toute implication sérieuse dans les
fantasmes sulfureux de Nick Paccione et affirme qu’elle souhaitait, par
ses lettres compromettantes, mettre le détenu à l’épreuve. Les deux
étonnants correspondants s’écrivent depuis 1998. Quatre années de test
épistolaires paraissent excessives aux autorités qui refusent à
l’ex-agente une libération sous caution.
Lors
d’une perquisition au domicile de Colalillo, on trouve par ailleurs du
matériel pornographique d’une violence atroce montrant des femmes et des
enfants torturés, violés et jusqu’à des meurtres. Des lettres de
Paccione sont également découvertes. Le 4 octobre, c’est au tour de la
cellule de ce dernier d’être passée au peigne fin : 350 lettres
accablantes, impliquant aussi bien Colalillo que Chalfoun, sont
découvertes. C’est le début de la descente aux enfers du trio.
Les
médias se demandent s’ils ne se trouvent pas en présence d’une nouvelle
affaire Homolka. Ces soupçons expliquent sans doute l’extrême
discrétion dont les autorités entourent le procès. Plusieurs prétendent
que l’ordonnance de non-publication des lettres incriminantes répond à
cet objectif. C’est toutefois l’avocat de Colalillo, lui-même en
attente de procès, qui est à l’origine de cette requête. Le juriste
disait vouloir éviter que la divulgation prématurée d’un contenu aussi
compromettant ne nuise à son client. Quoi qu’il en soit, il est certain
que cette demande a dû inspirer un profond soulagement du côté du
Service correctionnel et de la cour municipale de Montréal.
Le procès
Lors
de sa comparution, sous le chef d’inculpation d’avoir comploté avec
deux prédateurs sexuels, l’ex-agente affirme en guise de défense avoir
voulu « vidanger » l’imaginaire meurtrier de Paccione par des
« histoires totalement fictives. » Autant éteindre un feu de foyer en
incendiant le chalet. Elle ajoute avoir voulu – cette fois encore –
« tester Frankie », alias Colalillo, qui le fascine. S’agit-il d’un prédateur sexuel, d’un simple pervers ou d’un futur auteur à succès ?
Cette
curieuse fascination a déjà de quoi faire sourciller le magistrat le
plus apathique, quand l’accusée avoue elle-même fantasmer à partir de
son ex-conjoint, de la fille de celui-ci ou de sa cousine. Cette fois,
on passe de la « simple » étude de mœurs à l’aveu de fantasmes pour le
moins équivoques, dont la nature reste obscure. Pour tout arranger,
l’ex-agente se dit « à la recherche de nouveaux hommes, de nouveaux
amants, de nouvelles aventures menant à des orgies. » On peut se
demander à quel type d’orgie elle fait ici allusion. La Couronne ne
nous éclairera pas plus sur ces points précis.
Alors
que Chalfoun répond pendant plusieurs jours aux seules questions de son
avocat, le procureur de la Couronne, Me Louis Miville-Deschênes, ne
procède étrangement à aucun contre-interrogatoire, et ne présente pas
plus de contre-preuve. Y a-il un pilote dans l’avion ? L’attitude de
l’avocat en interloque plus d’un, autant parmi les observateurs, les
journalistes que chez les membres du barreau. Miville-Deschênes ne
s’objecte pas davantage à l’ordonnance de non-publication de la
correspondance incriminante. La quête de la vérité ne semble pas sa
tasse de thé dans cette affaire...
De
son côté, la défense plaide, en s’appuyant sur l’avis du psychiatre
Louis Morissette, que l’accusée ne voulait que fantasmer et créer des
histoires macabres en vue de satisfaire l’imaginaire maladif de
Paccione. Bref, selon Morissette, la femme n’est nullement agressive,
ni impulsive et encore moins dangereuse. Ce psychiatre, témoin expert
de nombreux procès, a par la suite jugé que Karla Homolka ne
représentait aucun danger pour le société avant de se voir récemment
accusé de parjure et d’entrave à la justice dans le procès de Francis
Proulx.
Louis Morissette, psychiatre. |
Devant
l’avis de ce médecin, alors crédible, et la nonchalance de
Miville-Deschêsnes, la juge Micheline Corbeil-Laramée décidera
d’acquitter l’accusée, à la stupeur générale. La juge estime, contre
toute attente, que « la correspondance échangée avec les deux hommes ne
constituait pas un véritable complot, mais se situait plutôt dans la
zone de fantasmes d’une femme ayant d’importantes carences
affectives ». Il faut se pincer fortement pour croire qu’un tel verdict
ait pu être rendu…
Juge Micheline Corbeil-Laramée |
Philippe Riboty, écrivain alors enseignant en psychologie, s’est exprimé comme suit sur le verdict dans La Presse du
25 novembre 2003 : « Sa libération (de Chalfoun) s’appuie sur une
expertise médicale pour le moins surprenante qui la décrit comme une personne ne souffrant d’aucune pathologie, qui n’est pas dangereuse et qui a, tout au plus, des fantasmes malsains.
Ce verdict est d’autant plus inquiétant que la Couronne n’a exigé
aucune contre-expertise alors que, si tel avait été le cas, elle aurait
pu obtenir un diagnostic diamétralement opposé se résumant comme suit : l’accusée
est une sadique sexuelle de type paraphilie atypique, suicidaire,
dangereuse et souffrant d’un trouble de personnalité mixte assorti d’un acting-out en évolution graduelle nécessitant un suivi psychologique. » En français courant : un avenir incertain comme dame de compagnie.
Il
n’est pas téméraire de présumer qu’une contre-expertise de ce genre, si
elle avait été produite par la Couronne, aurait pu influencer le cours
du procès comme son dénouement. Il n’est pas invraisemblable non plus
de croire que d’autres avis de spécialistes, allant dans le même sens,
auraient pu être débusqués, même pour un homme de loi moins expérimenté
que Miville-Deschênes.
Comme
s’il ne s’était pas assez traîné les pieds, le procureur, après avoir
pourtant reconnu que Chalfoun ne pouvait ignorer le risque de crimes
graves, avoue candidement qu’ il n’est « pas déçu » du verdict et qu’il
n’en appellera « probablement pas. » Vous avez bien lu. Que déduire
d’une telle attitude, devant une cause apparemment gagnée d’avance ?
C’est comme si Marlène Chalfoun avait remporté son procès par défaut.
Questions sans réponses
En
plus de semer le doute sur l’intégrité du processus judiciaire,
l’indolence de la Couronne et la volonté manifeste de la Justice de
minimiser le plus possible, voire d’étouffer cette affaire par un
verdict singulier, n’a certes pas permis d’aller au fond des choses et
de connaître avec certitude les motivations profondes de l’accusée.
On
frémit à l’idée des conséquences, si Colalillo avait pu entrer en
contact avec les victimes désignées. La jeune femme méditait-elle une
vengeance réelle envers ses proches ? Était-elle plutôt animée, comme le
suppose Riboty,
par un instinct sadique sexuel ? Se peut-il enfin qu’elle n’ait vécu
son complot, comme l’affirmait la défense, que comme un fantasme à
effets spéciaux sans réellement souhaiter sa réalisation ? Nous
n’aurons probablement jamais de réponses définitives à ces questions.
Nul
doute que la complaisance du système à l’égard de l’ex-agente n’a eu
d’égale que l’aversion et la réprobation générales inspirées par les
événements sordides qui ont mené au procès. Quelle conclusion
contrastante d’avec les erreurs judiciaires qui ont accablé des citoyens
sans reproche comme Simon Marshall, Harold Bouchard, Michel Dumont ou
Fernand Halde, pour ne nommer que ceux-là.[1]
Possiblement
avantagée par son sexe, Marlène Chalfoun a pu bénéficer d’une
indulgence injustifiée que des hommes, cités à procès pour des crimes
identiques, n’auraient pu revendiquer. Il est cependant plus probable
que les autorités judiciaires aient préféré éviter ou minimiser un
scandale qui aurait pu prendre une dimension planétaire, si les lettres
avaient été divulguées. Il est tout autant plausible que leur
médiatisation auraient rendu encore plus difficile l’acquittement qui
allait représenter l’aboutissement de cette trop perceptible opération
de damage control.
Bref,
pour aller au fond des choses, il fallait enjamber deux vaches
sacrées : une femme accusée d’un crime crapuleux, mais surtout, la
probité apparente de notre système carcéral et de ses agents. Il
s’agissait d’une tâche apparemment insurmontable. Une telle saga n’est
pas sans ressusciter le vieux dicton voulant que si les bonnes filles
vont au ciel, de moins bonnes, elles, vont partout… Ou peu s’en faut !
Bibliographie : articles de Cyberpresse et du Journal de Montréal.
Ce texte constitue le sixième chapitre d’un essai inédit dont je suis l’auteur. Il s’intitule Le syndrome de la vache sacrée.
8 commentaires:
Chronique d'un Âne annoncé, de celui qui est apparu dans l'affaire Hermil, puis au sujet duquel il a été écrit l'article de Yves Boisvert du 29 avril 2009 intitulé: " Manuel pour se tirer dans le pieds ". Un autre futur scandale qui apparaît à l'horizon.
Quand nos Grands Représentants se déplacent il y a de la bisbille.
Il y a eu bel et bien continuation , par Louis MIVILLE-DESCHÊNES, envers une personne handicapée, de harcèlement criminel et vol par Terence STOROZUK, Alain VADEBONCOEUR, Mina TAKLA, par témoignage le 7 septembre 2011 devant le Palais de Justice de Montréal .
Le harcèlement criminel et vol à l'endroit d'une personne handicapée; c'est ce qui a été établi par un rapport très récent de L'IVAC ( Indémnisation des Victimes d'Acte Criminel ). D'autant plus que Louis MIVILLE-DESCHÊNES qui remplace Anne-Marie OMANN est un fait qui confirme fortement cette hypothèse de harcèlement envers une personne handicapée ou en tout cas en donne au moins l'apparence. Monsieur le Ministre Bernard KOUCHNER n'aurait pas été content de ces faits, victime d'autres faits indélicats et abusifs de la part de l'Agence des Services Frontaliers du Canada pour avoir , en juin 2010 déclaré que les membres de cette institution sont des imbéciles ( voir l'article du quotidien LE DEVOIR du 19 juillet 2010 ). Affaire surprenante en lien avec la criminalité helvétique pour en être un rouage qu'elle est, puisque l'on sait que les actes dérogatoires de l'Agence des Services Frontaliers du Canada sont allés dans le sens de paralyser une procédure criminelle par obstacle à son déroulement, devant la 13 ème Chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Paris pour avoir détourné et capté des pièces de procédure et éléments, et fait obstacles à l'accomplissement des droits de partie civile. Alors devons nous nous interroger si la criminalité helvétique via un avocat genevois qui a recelé des éléments de dossier secret de la G.R.C. du 4225, Dorchester Ouest, Montréal, ( poursuivi à Paris ) n'a pas gagné les rangs des membres de l'Agence des Services Frontaliers du Canada. Ou, est-ce que cela cache encore quelque chose de beaucoup plus grave ? Alors que va t-il se passer le 7 novembre 2011 au Palais de Justice de Montréal en salle 4.07 ? On devrait aussi demander au Docteur Mailloux ce qu'il penserait du comportement de membres de l'ASFC qui , avec un QI moins élevé que celui du singe Bonobo qui connait 200 mots, ne savent pas lire bas ou haut sur un élément dans un transport international, ou du comportement d'un membre d'un corps de fonctionnaire annexe qui braque avec une arme de poing une personne atteinte de cancer en phase terminale lors d'actes assimilables à une invasion de domicile à 6 h 00 du matin.
Un être décidément étonnant, ce Me Miville-Deschênes, et surtout paradoxal. Avocat de la Couronne dans l'affaire Chalfoun, il a donné l'impression, par sa passivité, de travailler à l'acquittement de l'ancienne agente de liaison. Comme la dame a des antécédents avérés de prostitution, l'attitude de cet avocat peut laisser place à des spéculations dont il aurait pu faire l'économie.
Autre paradoxe étonnant, dans l'article de Yves Boisvert, cette indulgence presque aussi mollassonne que celle manifestée envers Chalfoun, pour ensuite réclamer une peine aussi sévère, quoique normale, envers l'accusé de l'affaire relatée dans l'article.
Voilà qui n'indique en rien que la personne handicapée dont vous parlez aura droit à la protection à laquelle elle est en droit de s'attendre. Nul doute que cette affaire, et ses tenants et aboutissants, restent à suivre.
Vous n'avez rien compris mais alors rien compris de l'affaire Chalfoun ... j'suis convaincu que vous n'avez pas entendu une minute d'audience du procès R. c. Chalfoun pour déblatérer des âneries pareilles...
Je salue la force de votre argumentaire pour traiter mon propos d'âneries. Voilà qui en dit long sur votre sens didactique.
...réplique aussi vide que le reste de ton blogue !!!!
...réplique aussi vide que le reste du blog ... vraiment malhonnête comme blog parce que vous ne connaissez rien de cette affaire et vous la jugez à la lumière des articles de journaux que vous avez parcouru. Un autre connard qui se prend pour un juriste ou un criminologue...
...réplique aussi vide que le reste de ton blogue !!!!
En tout cas, vous, je sais pour qui, ou plutôt pour quoi, je vous prends : une être inintelligent et frustré incapable de s'exprimer autrement que par l'injure et par son incapacité à argumenter. Aucun fait, aucune hypothèse, le néant didactique absolu. Vous être pathétique et ridicule.
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