Imaginons un couple émancipé autoproclamé. L’homme et la femme se voient planer bien au-delà des contingences mesquines que sont la possessivité, la jalousie ou la crainte d’abandon. Ces limites, ce n’est pas pour eux, affirment-ils avec dédain à ce couple d’amis monogame qui vit selon des valeurs périmées. En vain, ces croulants les préviennent-ils de prendre leurs précautions quand ils multiplient les aventures, ou que leur style de vie implique des balises adaptées à leurs choix. Notre couple n’a que faire de leurs conseils. Il a franchi de si nombreuses barrières, aboli tant de tabous, est devenu à ce point affranchi. Sa tolérance est telle qu’elle lui fait presque mal…
L'autorisation du kirpan dans les écoles, ou le début d'une dérive.
Ce portrait n’est pas sans rappeler le débat qui ressurgit depuis peu sur les accommodements déraisonnables. Lors de l’offensive lancée par Hérouxville, en janvier 2007, le Québec s’était scindé en deux grands courants peu compatibles. La région montréalaise, théâtre de la plupart des dérives occasionnées par ce concept mal défini ou mal compris, se voulait, malgré ses sautes d’humeur occasionnelles, ouverte sur le monde, tolérante, réceptive, bref une terre d’accueil qui favorise l’immigration. Si la légitimité de tels principes reste indiscutable, la façon de les vivre exige plus que jamais des ajustements. C’est ce que semble confirmer un récent sondage Léger Marketing qui indique qu’une majorité de 60 % de Québécois, de Montréal comme d’ailleurs, s’oppose désormais aux accommodements déraisonnables. L’horrible intolérance que voilà…
De leur côté, les régions, conservatrices et moins en contact avec les communautés ethniques, n’avaient pas tardé à envisager avec appréhension les incidents causés dans la métropole par lesdits accommodements. Bien qu’embryonnaire, le métissage de leur tissus social était amorcé. Le Chinois, qui tient un dépanneur, la famille hispanophone, qui discute dans la ruelle, ou le copain de jeu musulman de fiston incarnent autant d’indices de changements à venir. De là à ressentir la nécessité d’établir des balises pour que l’apport ethnique reste un facteur d’évolution et d’enrichissement collectif, il n’y a qu’un pas.
Le cri venu d’un obscur village d’une région oubliée a d’abord écorché les tympans montréalais. Nombreux sont les analystes qui ont choisi de n’y voir qu’une réaction isolée de conservatisme rural, voire de xénophobie. Cette perception, alimentée par certaines maladresses sur lesquelles on a trop lourdement insisté, cache un malaise inavoué. Alors que la métropole dénonçait avec véhémence et à la pièce les dérives liées aux accommodements, aucune de ses voix ne s’était élevée pour proposer un projet de société à la fois préventif et inclusif. Ses faiseurs d’opinion préféraient se retrancher derrière une façade de plus en plus factice de tolérance et d’ouverture.
Entre-temps, si une commission d’enquête, même partialement pilotée, a été tenue, Montréal n’a assumé aucun leadership dans sa mise en œuvre. Il semble bien depuis que, devant l’irritation croissante des Montréalais comme des autres Québécois, la voix de ces derniers, les croulants, trouve de plus en plus d’adeptes chez les premiers, à l’origine si émancipés. Commencerait-on enfin à différencier préservation de son identité et intolérance ?
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