Quel triste mélo que les aveux contrits d’infidélité de Tiger Woods. Il n’y a vraiment que chez nos voisins du Sud qu’un tel psychodrame pouvait « décemment » se dérouler. Hormis son épouse, qui diable avait à être informé des liaisons du champion ? En quoi ses « performances » hors terrain devaient-elles remettre en cause ses compétences sportives ou son intégrité en tant que personne ? A-t-il commis des actes de pédophilie, un vol de banque, des voies de faits sur des itinérants, escroqué des petits épargnants, participé à des activités terroristes ? Non, alors ?
Bush, le canard boiteux, et Clinton, le don Juan...
Examinons cette hypothèse : votre enfant souffre d’une maladie cérébrale mortelle nécessitant l’intervention d’un neurologue de haut niveau. Il en existe deux au monde à pouvoir sauver sa vie. Vous avez le choix entre le meilleur, cumulant 90 % de chances de réussite, mais coureur de jupons réputé, et le deuxième meilleur, aussi fidèle qu’une pierre tombale, mais dont les probabilités de succès tombent à 65 %. Choisirez-vous monsieur haute-fidélité ? Moi non plus.
Avant Woods, seul Bill Clinton avait exprimé des excuses aussi médiatisées pour son infidélité. Il y avait pourtant belle lurette que Bill et Hillary menaient une vie privée indépendante l’un de l’autre. La vraie humiliation, pour la première dame, tenait plutôt à ce que son mari s’était fait pincer. C’était une époque bénie, où la pire menace étatique s’appelait Lewinsky. La divulgation inappropriée d’une situation privée a cependant failli entraîner la destitution de l’un des présidents américains les plus respectés, parce qu’il avait d’abord nié les faits. Ridicule.
Son successeur, George W Bush qui, en comparaison, évoquait un vilain petit canard boiteux, ne s’est vu reconnaître en revanche aucune infidélité. Son administration et lui ont pourtant menti sur la possession d’armes de destruction massive par l’Irak, des liens supposés entre Saddam Hussein et Ben Laden, avant d’entamer une guerre illégale et meurtrière, sans qu’aucune procédure de destitution ne soit sollicitée. Une morale de bénitier l’emporta sur la raison d’état.
Barack Obama, dont la super majorité au sénat, désormais envolée, aurait permis des commissions d’enquête en vue de faire la lumière sur huit années désastreuses, n’a su placer ses pions en vue des élections de mi-mandat. L’imputation de son prédécesseur aurait rappelé le risque républicain. En sollicitant Bush pour la reconstruction d’Haïti, le président démocrate lui donnait même une chance de rédemption. Concédons au républicain l’art de lever des fonds…
Faut-il conclure qu’il est plus avantageux d’être corrompu et fidèle que constructif et volage ? Si à court terme, l’image de Clinton a souffert, sa popularité depuis n’a jamais été aussi forte. Quant à Bush, même s’il parvient à se soustraire à une éventuelle reddition de compte, son image restera à jamais entachée, même aux yeux d’une majorité d’Américains. Lui parti, les républicains subsistent cependant. Qui prendra la relève ? Sarah Palin, nouvelle recrue à Fox ? Malgré près de 20 poursuites pour manquement à l’éthique et abus de pouvoir, aucune révélation d’adultère ne pèse encore contre elle. Si balourde soit-elle, tous les espoirs lui restent permis…
Également paru dans Le Nouvelliste du 23 février 2010 et dans Le Soleil du 27 février 2010.
Mis en ligne dans le site Watching America (traduction anglaise par Andrew Lusztyk) le 27 février 2010.
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