J’avais 14 ans et me trouvais avec mon plus vieil ami dans son sous-sol lorsque, écoutant la radio, nous nous sommes interrompu au moment où jouait I Want To Hold Your Hand, des Beatles. Nous étions alors en 1973, année où Dark Side Of The Moon des Floyds triomphait dans les charts. Était-ce la fraîcheur de la mélodie ou le rythme délibérément syncopé de l’introduction du premier succès américain des Beatles ? Toujours est-il que nous avons savouré le morceau chanté par Lennon jusqu’à la dernière note avant de nous dire qu’il serait intéressant de mettre la patte sur ce disque.
Mais voilà, notre anglais était plus qu’approximatif et la diction du leader des Beatles – incontesté en 1963, à tout le moins – était à la chanson populaire ce que celle de Brando représentait au cinéma américain. Bref, en me basant sur le fait qu’il s’agissait manifestement de l’un de leurs premiers succès, je m’aventurais dans la section des disques d’un magasin à grande surface pour débusquer l’album qui contiendrait la chanson convoitée.
J’écartais donc tout de suite le flamboyant Sgt Pepper, comme Let It Be et Abbey Road pour m’intéresser à Beatlemania ! version nord-américaine mono de l’album britannique intitulé With The Beatles. Les cheveux des quatre garçons dans le vent étaient assez courts et leurs visages suffisamment glabres pour m’indiquer qu’il s’agissait de l’un de leurs premiers disques. Je remarquais aussitôt un titre : I Wanna Be Your Man. « Tiens, c’est sûrement ce que je cherche », me dis-je alors, confiant dans le succès de mon entreprise.
Sitôt arrivé chez moi, je m’empressais d’ouvrir la pochette, de déposer le disque sur le plateau de ma table tournante, et de poser fébrilement le saphir directement sur la plage qui faisait l’objet de ma convoitise. Quelle déception, d’entendre Ringo entamer ce qui devait s’avérer le morceau le plus faible de l’album. J’avais fait chou blanc !
De guerre lasse, je revins au début de la face A du 33 tours. Les « cadences éoliennes » du rock It Wont Be Long m’étreignirent aussitôt, avant que le sensuel et envoûtant All I’ve Got To Do, également de Lennon, ne me captive. Je reconnus dès les premières mesures All My Loving, titre vedette de Paul McCartney, avant de découvrir la fascination monocorde de Don’t Bother Me, première composition de George Harrisson. L’époustouflant Little Child ne représentait pas un moment marquant de l’album, mais je finis, avec le temps, par apprécier la ballade romantique Till There Was You, première des six reprises de l’album, efficacement défendue par Paul.
Please Mister Postman, succès Motown des Marvelettes, représente l’une des meilleures reprises de l’album, et même de la discographie des Beatles, qui n’en sont pas à une réussite près dans ce domaine. On peut presque en dire autant de Roll Over Beethoven, de Chuck Berry, idole de John, un morceau que ce dernier chantait aux beaux jours du Cavern Club de Liverpool. Afin de donner la chance à George de s’illustrer, l’interprétation lui a été confiée pour l’album. Nul doute que Lennon aurait fait mieux, mais il était déjà le principal chanteur du groupe.
Ce dernier s’illustre par ailleurs avec brio avec la torride You Really Got A Hold On Me, avant de nous électriser avec le rock ravageur Money de Bradford-Gordy, ce qui ne l’empêche pas entre-temps de nous subjuguer avec sa composition Not A Second Time, tout simplement sublime. George nous gratifie d’une troisième participation avec Devil In Her Heart, au rythme décontracté, efficacement soutenu par Paul et John aux harmonies vocales tandis que Ringo interprète… quelle chanson, déjà ?
Sans doute la réussite la plus aboutie de la formule huit compos originales, six reprises, ici R&B et Motown pour la plupart, With The Beatles a signifié pour moi le début d’une découverte artistique et esthétique des plus déterminantes. Je devais par la suite dénicher – enfin ! - I Want To Hold Your Hand sur Meet The Beatles, album nord-américain qui n’est maintenant disponible que dans le coffret 1 des albums Capitol.
Acheter With The Beatles s’est avéré l’une de mes plus belles erreurs. Pour un gars parti chercher une chanson, j’avais découvert non seulement un album, mais des artistes qui, de nos jours encore, façonnent la culture, les sensibilités et jusqu’aux mentalités.
24 novembre 2008, Rétrolivier paru le jour même dans Amazon.fr.
2 commentaires:
Belle écriture. Sens du suspens et du partage des émotions... JMK
Merci à vous !
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