Ne
vous est-il pas déjà arrivé, au détour d’un rendez-vous de routine, ou
d’un déplacement sans importance, de rencontrer un parfait inconnu et
d’échanger avec lui sur des sujets aussi fondamentaux que le vie, le
temps qui file, la maladie, les enfants, la guerre, le bonheur, ou la
mort ? Ces conversations, qui peuvent survenir inopinément aussi bien
au coin d’une rue que dans un commerce de détail, représentent, dans
l’espace d’une vie, autant de moments privilégiés de réflexion sur des
enjeux fondamentaux.
Parfois,
même nos amis et parents les plus proches, au discours pourtant
articulé, n’arrivent pas à surpasser ces échanges, aussi pertinents
qu’imprévus. Comme si la vie se chargeait de nous rappeler que le monde
n’arrête pas aux confins de notre petit circuit de relations.
L’empathie et la connivence humaine restent des valeurs universelles qui
peuvent être vécues et communiquées par tout individu, inévitablement
confronté aux aléas de la condition humaine.
Vous
ignorerez à peu près tout de votre interlocuteur momentané : son nom,
sa profession, son âge, ou sa situation familiale. L’un ou l’autre des
ces facteurs sera vaguement évoqué, en filigrane du témoignage qu’il
vous aura livré. Ses propos ne vous auront transmis, ce jour-là, que
leur parcelle de vérité, sans pour autant vous lier à leur auteur.
La
plupart du temps, vous ne reverrez jamais votre vis à vis, comme s’il
ne devait croiser votre destin que ce fugitif instant. C’est la
paradoxale rencontre de l’éphémère et de l’essentiel. Une fois
l’entretien terminé, le moment de pertinence dont la vie vous aura fait
cadeau continuera de résonner en vous dans les heures, parfois les
jours, qui suivront.
Combien
de réflexions, à partir desquelles nous nous sommes construits,
continuent de nous habiter, longtemps après que nous ayons oublié ces
instants qui leur ont donné naissance ?
Vous
ne vous sentirez pas en reste, envers votre locuteur, puisque vous
aurez probablement eu sur lui un impact comparable à celui que vous
aurez ressenti. C’est souvent ainsi que des gens, qui pourraient se
voir tiraillés par leurs différences, dans la durée, arrivent à
communier viscéralement à une même réalité, le temps d’une lueur
partagée.
Un
autobus qui arrive, un nom appelé dans une salle d’attente, et votre
partenaire de réflexion disparaît, comme nous l’évoquions, le plus
souvent pour toujours. Il n’y a pas de regrets à y avoir. Vous aurez
simplement passé un bon moment. Vous avez d’instinct la sagesse de vous
en satisfaire, comme si une satiété en vous avait été atteinte, et
qu’il était inutile d’aller plus loin. D’autres interludes, aussi
révélateurs, vous attendent, peut-être chez le garagiste, dans un parc,
ou au détour d’un rayon d’épicerie. Après tout, votre périple sur terre
pourrait être long. Il y a tant de choses à comprendre, et un inconnu
est si vite arrivé…
8 mars 2008
Ce Rétrolivier est paru dans Le Nouvelliste du 21 juillet 2008 et dans Le Soleil du 29 juillet 2008 sous le titre Un inconnu est si vite arrivé…
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