Danielle McCann et Marguerite Blais |
L’ancienne ministre de la Santé,
Danielle McCann, et la ministre des Aînés, Marguerite Blais, ont annoncé qu’elles ne se représenteraient pas aux prochaines élections. La sempiternelle ritournelle des raisons
familiales, les deux futures ex politiciennes étant grands-mères, a été
invoquée pour expliquer leur décision, une raison qui n’abusera aucune personne
dotée d’un tant soit peu de jugement critique.
On attend avec impatience le
rapport du coroner sur l’hécatombe des personnes âgées en CHSLD, dont un nombre
affolant ont été retrouvés isolées, affligées par des conditions d’insalubrité
innommables, affamées, déshydratées, sous médicamentés et abandonnées par leurs
proches et par un personnel nettement insuffisant.
Un véritable carnage, qui n’a
cependant pas empêché François Legault de s’attribuer une note parfaite pour sa
gestion de crise ! Voilà qui s’appelle
joindre l’injure à l’indifférence.
Qu’est-ce que la responsabilité
ministérielle ?
Selon ce document de l’Assemblée
nationale, la responsabilité ministérielle individuelle se
définit comme suit :
« Les ministres sont individuellement responsables de la gestion
de leur ministère. Ils
doivent présenter les politiques et défendre les actions entreprises par leur
ministère. Devant l'Assemblée, un ministre doit répondre non seulement de
ses propres actions, mais aussi de celles de ses fonctionnaires. Il pourrait
même être forcé de démissionner en raison d'un cas important de mauvaise
gestion. (…) »
On ne peut être plus clair. Les CHSLD relevant du ministère de la Santé,
c’est la ministre de l’époque, soit Danielle McCann, qui doit
répondre non seulement de sa gestion, mais également de celle de ses
fonctionnaires, qui fut désastreuse. Ce
constat vaut également pour Marguerite Blais, ministre responsable des Aînés et
des proches aidants, vous savez, ceux qu’on a empêché de porter aide et
assistance aux aînés dont ils voulaient s’occuper.
Il ne faudrait pas oublier non
plus cet absent, Horacio Arruda, directeur général de la santé publique et
sous-ministre adjoint en prévention, promotion, planification et protection en
santé publique, autant de titres dont on se demande quelle pertinence ils
possèdent encore, associés à son nom.
« Il faut que quelqu'un finisse par répondre de ça. » -
Paul Brunet
Rappelons que M Arruda et Mme
McCann font l’objet d’une plainte pour négligence criminelle déposée, à titre
personnel, par Paul Brunet, président du Conseil pour la protection des malades. Ce dernier s’était d’ailleurs exprimé en
termes bien sentis devant la coroner Géhane Kamel :
« Il faut que quelqu'un
finisse par répondre de ça,
a lancé Paul Brunet, président du Conseil pour la protection des malades CPM, dans un témoignage émouvant livré
au palais de justice de Québec, au quatrième jour du volet national de l’enquête publique du
coroner. »
Et
Legault, dans tout ça ?
La
question de la responsabilité du premier ministre Legault ne peut être ignorée,
qu’il se trouve parfait ou pas. Toujours
selon le document de l’Assemblée nationale cité plus haut :
« La
responsabilité ministérielle collective
Le premier ministre et ses ministres sont responsables
collectivement devant l'Assemblée des actions de leur gouvernement. C'est ce qu'on appelle la responsabilité
ministérielle collective ou la solidarité ministérielle. Le Conseil des
ministres parle d'une seule voix et chaque ministre est responsable des
décisions qui y sont prises, qu'il y soit favorable ou pas. »
Des
questions ?
En clair, c’est non seulement François Legault qui reste imputable de la gestion désastreuse des CHSLD, mais tout son gouvernement, celui-là même que notre bon peuple pourrait étourdiment réélire de façon éclatante le 3 octobre prochain...
Legault ne veut pas d’enquête
publique
On ne se surprendra donc pas de ses
propos de décembre dernier à l’effet que, selon lui, les Québécois ne
voulaient pas d’enquête publique indépendante sur l’hécatombe en CHSLD
malgré le fait que 60
% des mêmes Québécois s’étaient montrés insatisfaits de sa gestion dans ces
établissements.
Pour qui se prend-t-il pour
affirmer parler au nom des Québécois ?
Il avait cependant dans sa manche un argument défendable :
« Après
le rapport de la Protectrice du citoyen, ceux de la coroner, de la
Vérificatrice générale et de la Commissaire à la santé seront attendus au cours
des prochains mois.
Pour François Legault, les quatre institutions « ont tous les pouvoirs » pour
mener à bien leurs enquêtes. »
Cependant, malgré la déroute
meurtrière qui a fait 6700 victimes chez nos aînés, notre bon peuple affichait
à la même époque un taux d’approbation exorbitant de 73 % de la gestion
générale de la pandémie, selon un sondage Léger, qu’on peut toutefois
soupçonner de parti pris gouvernemental :
« D’ailleurs,
les troupes caquistes ont clairement repris le dessus depuis le printemps 2020,
aux yeux des électeurs : la gestion générale de la pandémie reçoit
l’approbation de 73 % des répondants. « C’est un taux extrêmement élevé. C’est
le plus élevé au Canada », dit M. Léger. »
Une expression typiquement
québécoise s’applique à ces braves gens : des poules pas de tête…
Une ministre sur le grill
Absente jusqu’en janvier des
audiences devant la coroner, Marguerite Blais n’a
pas été épargnée jeudi en chambre quant à sa gestion du CHSLD Herron, le plus emblématique
du désastre organisationnel dont ont été victimes des milliers d’aînés :
« Ils (quatre députés libéraux)
l’accusent de n’avoir fait « aucun suivi » pendant 12 jours après
avoir été alerté par courriel dans la nuit du 29 au 30 mars 2020 sur
la situation dramatique dans cet établissement. On lui reproche également
de ne pas avoir fait remonter l’information au bureau du premier ministre. Le
gouvernement soutient qu’il a pris connaissance de l’ampleur du drame au CHSLD
Herron dans l’article du quotidien The Gazette le 10 avril. »
Pas évident d'identifier clairement des responsables, comme vont l'indiquer les paragraphes suivants.
Blais ment-elle pour protéger le gouvernement ?
En ce qui concerne la gestion
globale des CHSLD, un ouvrage cité dans
cet article présente une version des faits en totale contradiction
avec celle présentée par l’intéressée en janvier dernier devant la
coroner :
L’ouvrage des journalistes de La Presse Katia
Gagnon, Ariane Lacoursière et Gabrielle Duchaine révèle pourtant des entrevues
inédites avec Mme Blais et sa cheffe de cabinet, Pascale
Fréchette, qui entrent en contradiction avec le récit de la ministre lors de
l’enquête publique. On apprend que les deux femmes « ont
hurlé » dans la cellule de crise pour faire cesser les transferts en
CHSLD, au printemps 2020. »
Interrogée sur ce point précis,
Mme Blais a réitéré sa version des faits, telle que présentée devant la
coroner :
« Elle
(Marguerite Blais) a réitéré que de transférer des patients des hôpitaux
vers les CHSLD était « ce qu’il fallait faire » au début de la
pandémie alors que « tous les yeux étaient tournés vers l’Europe, où
les hôpitaux débordaient ».
Pas plus avancés...
Une impression de déjà-vu…
Jean Charest n’hésitait pas à
sacrifier ses ministres pour conserver le pouvoir. Les départ de Marguerite Blais et de Danielle
McCann ne sont pas sans évoquer ce procédé.
Mme Blais a-t-elle modifié la version de sa gestion des CHSLD afin de
protéger Legault même si elle a avoué précédemment avoir tiré la sonnette
d’alarme ?
Quoi qu’il en soit, il faudra bien
un jour identifier les responsables de l’hécatombe des CHSLD et sévir contre
eux. Responsables, car il y a eu bel et
bien une négligence criminelle qu’on ne peut passer sous silence avec 6700
décès. Le principe de responsabilité
ministérielle doit s’appliquer, autant envers Legault qu’envers ses ministres.
Il faudrait que les Québécois gardent en mémoire ce triste épisode, « digne » des orphelins de Duplessis, au moment d’apposer leur « x » dans l’isoloir ce 3 octobre.
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