dimanche 3 avril 2022

Will Smith et les risques de la triangulation

Will Smith et Jada Pinkett-Smith
Je ne m’intéresse pour ainsi dire jamais à la vie trépidante des célébrités hollywoodiennes.  Ces gens me semblent si déconnectés de la réalité, si emprisonnés dans un univers parallèle, que j’ai l’impression d’avoir affaire à des extraterrestres.  Le psychodrame impliquant récemment Will Smith et Chris Rock lors de la dernière remise des Oscars m’a toutefois interpellé, sans pour autant que je puisse tout de suite mettre le doigt sur les raisons d’un tel intérêt.

Tout le monde connaît l’histoire.  Lors de ladite cérémonie, Chris Rock ose une blague à l’effet que Jada Pinkett-Smith pourrait tenir le rôle principal dans GI Jane 2, en raison de sa tête rasée, similaire à celle de Demi Moore dans l’opus original du même titre.  Son mari, Will Smith, rit d’abord de bon cœur tandis que sa dulcinée manifeste une nette désapprobation non verbale. 

S’ensuit alors que son conjoint ne trouve rien de mieux à faire que de monter sur l’estrade et de flanquer une solide baffe au présentateur, avant de regagner sa place en bombant le torse.  À peine assis, il apostrophe sa victime en lui répétant : « Garde ma femme en dehors de ta putain de bouche ! »

Qu’est-ce que la triangulation ?

Selon cet article :

« La triangulation dans le contexte de la violence narcissique est l'acte d'amener une autre personne ou un groupe de personnes dans la dynamique d'une relation ou d'une interaction pour déprécier la victime et la faire « rivaliser » pour attirer l'attention du narcissique. »

Qu’est-ce que cette définition a à voir avec l’incident de la baffe administrée à Chris Rock ?  Apparemment rien.  Après tout, plusieurs gogos ont applaudi le geste aussi ridicule que brutal de Smith, qui aurait, selon eux, « défendu » sa conjointe. Défendu de quoi ? D’une blague inoffensive qui la comparait à une autre très belle femme qui, comme elle, avait eu le crâne rasé, cette fois pour un rôle ?

L’alopécie, un motif suffisant ?

On a invoqué la maladie qui afflige Pinkett-Smith, l’alopécie, qui lui fait perdre ses cheveux, comme motif justifiant l’accès de violence de Smith qui, lors de son discours de remerciements, avait déclaré qu’il se donnait pour mission de protéger ses proches.  Il devait affirmer plus loin que l’amour faisait faire « des choses folles », sous le sourire enthousiaste et satisfait de sa conjointe.

S’il n’avait pas agi comme il l’a fait, Pinkett-Smith lui aurait-elle pardonné sa réserve ?  De son côté, s’il tenait tant à protéger son épouse, n’aurait-il pas mieux valu tout simplement l’enlacer, lui dire de ne pas s’en faire, que ce n’était qu’une blague et qu’elle était à ses yeux la plus belle femme du monde, quitte à « beurrer épais » comme on dit en bon québécois ? 

Et que penser d’une femme qui ne se serait pas satisfaite d’une telle attitude, et qui aurait ressenti le besoin que son homme en arrive aux coups pour lui prouver son amour, quitte à gâcher l’une des soirées les plus importantes de sa vie et porter ombrage à sa carrière pour longtemps?  Car c’est bien ce qui est arrivé avec cet incident.  Cette soirée restera marquée non pas par la récompense méritée ou non de Smith, mais bien par la manière inqualifiable dont il s’est conduit envers Rock.

Un précédent

Lors d’une précédente séparation, Jada Pinkett-Smith avait entretenu une liaison avec un rappeur.  Cet épisode avait blessé Smith.  En principe, le couple étant séparé, il n’y avait pas eu d’infidélité.  Revenus ensuite ensemble, les tourtereaux avaient convenu d’opter pour une formule ouverte, apparemment selon le désir de l’épouse, comme le laissait entendre Smith en septembre 2021 dans ce commentaire :

« « Jada n’a jamais cru au mariage traditionnel. Jada avait des membres de sa famille qui vivaient des relations non conventionnelles. Elle a donc grandi dans un univers très différent de celui dans lequel j’ai grandi. Nous avons eu des discussions sans fin sur ce qu’est la perfection relationnelle ? Quelle est la meilleure façon d’interagir en couple ? Et la majeure partie du temps, nous avons choisi la monogamie, mais nous ne considérons pas que c’est la seule manière de vivre une relation », a-t-il déclaré au magazine GQ. »

Permis de trianguler

Cette « majeure partie du temps » semble du passé, si l’on se fie à cet autre commentaire :

« Il (Smith) poursuit en soulignant que le couple explore d’autres voies : « Nous nous sommes offerts confiance et liberté avec la conviction que chacun doit faire son propre chemin. Et le mariage ne doit pas être une prison pour nous. » Un choix de vie que Will Smith ne conseille pas pour autant : « Je ne suggère à personne de suivre notre voie (…) Mais l’expérience des libertés que nous nous sommes offerts l’un à l’autre et le soutien inconditionnel sont, pour moi, la plus grande définition de l’amour. » »

Il ne suggère à personne de suivre leur voie… qui officialise et autorise la triangulation, évoquée plus haut :

« Cette méthode est souvent utilisée pour créer des triangles amoureux parmi les personnes dont dépend l'agresseur narcissique pour sa « correction » quotidienne de l'attention. La triangulation est l'un des outils les plus insidieux et déchirants que les narcissiques malins utilisent pour manipuler leurs anciens partenaires, leurs partenaires actuels, leurs membres du harem ainsi que leurs nouvelles sources d'approvisionnement. »

De quoi je me mêle ?

Bon, vous me direz que je me mêle de ce qui ne me regarde pas, que je ne sais rien de l’intimité de ce couple, que je pose des jugements de valeur sur ces deux protagonistes et qu’il vaudrait mieux que j’évite les séances de psychanalyse de supermarché. 

Vous n’avez pas tout à fait tort, et je ne me serais jamais livré à pareille analyse sans la réaction négative de Pinkett-Smith à la blague de Rock, la gifle qui en est résulté et la satisfaction évidente de l’épouse « opprimée » devant la violence de son mari, une réaction peu compatible avec celle d’une femme vraiment aimante, mais tout à fait caractéristique d’une personnalité narcissique.

Jada Pinkett-Smith, une femme « normale »?

Une femme dite normale, même atteinte d’alopécie, n’aurait pas pris ombrage de la plaisanterie de Rock, qui impliquait en plus un compliment indirect à Pinkett-Smith en la comparant à la belle Demi Moore.  Je m’imagine mal de surcroit une femme normale trouver légitime la réaction de violence stupide et infantile de son mari pour une blague qu’il a été par ailleurs le premier à rire.  Elle aurait été plutôt embarrassée d’un tel comportement.

Par-delà le statut de vedette et la personnalité des protagonistes de ce psychodrame dont l’élément déclencheur a été sans contredit l’attitude, pour ne pas évoquer la manipulation, de Jada Pinkett-Smith, cette situation reste révélatrice de comportements que l’on peut retrouver chez nombre de femmes et d’hommes narcissiques.

Peu importe les conséquences sur les deux autres coins du triangle, qu’il soit amoureux, amical ou professionnel, provoqué par ces tristes sires, l’essentiel pour eux reste le sentiment de toute puissance et de contrôle qu’ils exercent sur les gens qui tombent sous leur emprise.  Le sourire de Jada Pinkett-Smith, devant l’aveu de Smith à l’effet que l’amour fait faire des choses folles, en dit plus long que n’importe quel aveu… 

2 commentaires:

Pierre a dit…

J' ai vu ça exactement comme toi Oliver. J'avait dit que cette femme est une manipulatrice qui a envoyée son pit bull à sa place mettre une claque sur la gueule du comique. Les manipulatrices font souvent faire les choses à leurs places et son incapable de prendre une simple critique. Pauvre Will Smith, elle l'a cocufié plusieurs fois et elle a réussie à le convaincre que tout çelà est normal. Désolé mais quand on aime vraiment une personne, on a un désir d'exclusivité avec elle, ce que Jada la narcissique n'a clairement pas encore comprise à son âge. Les narcissiques comme Jada Smith sont évidemment encore des enfants dans des corps d'adultes.

Le blog d'Olivier Kaestlé a dit…

Bien vu. Les perverses narcissiques, dont la structure de personnalité reste permanente, ont un âge affectif d'environ quatre ans, un âge comportemental de 15 ans et il n'y a qu'au plan intellectuel qu'elles sont adultes. Ça ne leur sert toutefois à rien puisqu'elles sont des adulescentes à vie. Il n'y a aucun espoir de guérison pour elles puisque la perversion narcissique n'est pas une maladie mais bien un trouble de la personnalité permanent.

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