Une tragédie évitable |
Cette tragédie que plusieurs intervenants considèrent comme
évitable reste une pierre monumentale dans le jardin infesté de mauvaises
herbes du gouvernement caquiste, qui semble s’être donné le mandat de détruire
le Québec à petit feu aux plans social, familial, économique et politique.
On comprendra, à l’approche des élections, l’entêtement du
premier ministre, François Legault, à refuser la tenue d’une commission d’enquête
sur un sujet pratiquement aussi incriminant que le fut celui des orphelins faussement
déclarés malades mentaux et internés à l’époque de Duplessis.
Étonnamment, Josée Legault, une chroniqueuse généralement
complaisante envers l’administration déficiente de la CAQ, a énuméré huit
raisons qui justifieraient la tenue d’une telle commission. J’éprouve normalement une aversion profonde pour les
chroniques de Mme Legault, mais quand un chroniqueur de Quebecor effectue enfin
son travail correctement, il convient de le souligner. Et de l’encourager. Ce fut le cas
ici.
Les huit raisons
Voici les raisons en question :
« L’élection
approchant, le gouvernement Legault s’y refuse (à une commission d’enquête). Les
raisons de revoir sa décision ne lui manquent pourtant pas. En voici
quelques-unes parmi d’autres.
1. L’ampleur exceptionnelle du carnage au
Québec. Durant la première vague, sur les 5718 personnes mortes de la
Covid-19, 3675 vivaient en CHSLD, 944 en RPA et 217 en RI-RTF.
2. Les personnes résidant en CHSLD ont
donc compté pour 64 % des décès alors qu’elles ne forment que 0,5 % de notre
population. Une hécatombe, c’est ça.
3. Ces milliers de nos compatriotes sont
également morts coupés du monde et trop souvent, dans des conditions
abominables.
4. Depuis près de 30 ans, les lanceurs
d’alerte sur la négligence des CHSLD ont pourtant abondé. Nos gouvernements ont reçu des montagnes
de mémoires la dénonçant. Or, tout ça croupit au fond des oubliettes de
l’Assemblée nationale.
5. À l’opposé, une commission d’enquête
publique, créée en vertu de la loi du même nom, serait impossible à ignorer.
Idem pour ses recommandations, les gouvernements devant rendre compte
publiquement de son suivi.
6. Frappé de plein fouet depuis deux ans par
une pandémie mondiale, il n’y a pas lieu de douter de la volonté du premier
ministre de « refonder » le réseau de santé, dont les CHSLD. Encore faut-il
qu’il ait en mains une feuille de route digne d’une mission aussi titanesque.
Une commission d’enquête la lui donnerait.
7. Au fil des décennies, les gouvernements québécois ont institué de nombreuses commissions d’enquête sur des dossiers de grand intérêt public. Qui peut dire aujourd’hui que notre printemps meurtrier de 2020 n’est pas un sujet de grand intérêt public ?
8. Pour
la plupart, ces commissions ont obligé les décideurs à redresser des situations
dramatiques. Que ce soit en matière de santé
publique, d’éthique, de gestion des fonds publics, de corruption, de patronage,
de criminalité, etc. »
Deux bémols
J’ai tout de même d’importants bémols sur deux points énumérés
par Mme Legault : la volonté du premier ministre de « refonder »
le réseau de la santé, incluant les CHSLD, dont je pense qu’il se fiche éperdument,
et la foi de la chroniqueuse dans les commissions qui « ont obligé les
décideurs à redresser des situations dramatiques. »
On sait que plus on grimpe dans les hautes sphères du
pouvoir, plus les responsabilités deviennent floues et difficiles à identifier,
donc à sanctionner. Est-il nécessaire de
rappeler la pauvreté des conclusions de la commission Charbonneau ?
Bien sûr, on peut craindre que les responsabilités politiques
de l’hécatombe des CHSLD restent tout aussi floues après la tenue d’une
commission d’enquête, mais est-ce une raison pour balayer cette option sous le
tapis ? La commission Charbonneau touchait la corruption au sein du parti
libéral, notamment. Celle sur les CHSLD
concernerait un sujet nettement plus grave que les conflits d’intérêt de
serviteurs de l’État : des milliers de vies humaines ont été sacrifiées
alors qu’un grand nombre aurait pu être sauvées.
Un témoignage accablant
Dans cette perspective, il convient de retenir le témoignage accablant du docteur Vinh-Kim
Nguyen, un
médecin ayant participé à la gestion des épidémies d’Ebola sous l’égide de
Médecins sans frontières. Réquisitionné aux
urgences de l’Hôpital général juif durant la première vague de la pandémie, il
a tenu des propos très durs en novembre dernier devant la coroner Géhane
Kamel.
Le médecin devait préciser que
des patients qui arrivaient des CHSLD aux urgences récupéraient rapidement
après un traitement tout simple visant leur réhydration. C’est une fois envoyé en CHSLD que le docteur
Nguyen devait déchanter devant l’insuffisance de personnel et d’équipement
permettant les mêmes soins. Or des directives de la Santé publique
ordonnaient de garder les patients sur place, pour des raisons mystérieuses :
« Voulant transférer des
patients vers l’hôpital, il (le docteur Nguyen) a rapidement découvert « les
nombreux obstacles » mis sur sa route, alors que les directives de santé
publique préconisaient de garder les résidants sur place.
Pour les malades coincés en CHSLD, les seules
mesures disponibles étaient souvent les protocoles de détresse respiratoire de
fin de vie, soit de forts cocktails de médicaments utilisés pour réduire la
souffrance, a-t-il témoigné. « Ce sont des protocoles qui
entraînent la mort. […] C’était en fait une euthanasie », a-t-il
martelé. »
Contredit dès le
lendemain, mais…
Les propos du
docteur Nguyen devaient être contredits dès le lendemain par la docteure
Marjorie Tremblay, l’instigatrice même du protocole critiqué par le médecin :
« Il s'agit simplement d'un mélange de médicaments
administrés aux patients en fin de vie afin de soulager leurs souffrances,
a-t-elle expliqué. Ils servent entre autres à « contrôler le rythme respiratoire
», « gérer l’anxiété », « changer l'état de conscience » et « prévenir et
contrôler les râles », et peuvent être retirés si le patient se rétablit. »
Ces propos rassurants devaient être remis en question par l’assesseur de la coroner Kamel, le docteur Jacques Ramsay. Le protocole de la docteure Tremblay est selon lui sans danger dans la mesure où il reste appliqué dans le cadre d’une surveillance constante. Or, il semble que tel n’ait pas été toujours le cas :
« L'assesseur de la coroner, le Dr Jacques Ramsay, a exprimé des inquiétudes quant au respect de ces directives en situation de crise. Les symptômes surveillés « ressemblent à ceux de la déshydratation », a-t-il fait valoir. « Votre protocole implique une présence médicale, qui n'était pas toujours nécessairement en place. On aurait pu passer par-dessus des cas de déshydratation », qui auraient pourtant été facilement réglés. »
Bref,
sans affirmer qu’il y ait eu une volonté délibérée d’euthanasier ces aînés, on
peut supposer que le résultat a été le même que si des intentions
criminelles avaient guidé des gestes posés - ou leur omission - dans de trop nombreux cas.
Et pour quelle raison était-il impossible de diriger ces patients en
danger de mort vers les hôpitaux, où les ressources en personnel et en
équipement auraient pu sauver des vies ?
Plainte
pour négligence criminelle abandonnée
Or la santé publique, dirigée à l’époque par le docteur
Horacio Arruda interdisait cette avenue salvatrice. Une plainte pour négligence criminelle avait
été déposée à la SQ le 4 novembre dernier par Paul Brunet, président
du Conseil pour la protection des malades. Elle visait non seulement Horacio Arruda,
mais également la ministre de la Santé de l’époque, Danielle McCann. La SQ a rejeté récemment ladite plainte,
jugeant qu’il n’y avait pas matière à poursuite :
« Après étude du dossier [...] nous estimons qu’il n’y a
pas matière à déposer le tout au Directeur des poursuites criminelles et pénales,
confirme la SQ dans une lettre envoyée à Paul Brunet,
président du Conseil pour la protection des malades, qui était à l’origine de
la plainte. »
Bref,
pas de commission d’enquête, pas d’accusation pour négligence criminelle. Rien, à date, ne laisse présager que des
milliers de personnes âgées ainsi que leurs familles éplorées trouveront
justice devant l’incompétence inqualifiable qui a présidé à ces morts évitables. La formule tant chérie « Il ne faut pas chercher
des coupables, mais des solutions. » a fait long feu. Trouver des solutions n’exclue pas d’identifier
des responsabilités.
Ni des responsables.
4 commentaires:
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En ce qui est des responsables, est-ce qu'on doit compter parmi eux,ceux et celles qui ont quitté le navire,laissant les aînés dans leurs souillures, déshydratés et mourants de faim, étant donné que la très grande majorité de ceux qui ont quitté le navire était du sexe féminin ?
Si le rapport de la protectrice du citoyen a été lapidaire à propos de la gestion gouvernementale de la crise des CHSLD, celui de Géhane Kamel a été étrangement complaisant, allant même jusqu'à affirmer, contre toute évidence, que le témoignage de Marguerite Blais, qui s'est contredite sur les dates de son intervention dans le dossier, lui avait semblé le plus crédible...
Pour ce qui est du personnel sur place, on peut se montrer critique mais comment justifier que la santé publique ait interdit aux familles et aux aidants naturels de soutenir leurs proches ? Nos dirigeants auraient délibérément voulu provoquer cette hécatombe qu'ils n'auraient pas agi de façon plus étourdie.
Non seulement on a empêché les proches de venir en aide à leur famille, mais on a délibérément interdit les autopsies pour ne pas être pris en défaut dans d'éventuelles poursuites criminelles par les familles. De plus, peu imposte les causes de mortalité, tous les décédés étaient étiquetés Covid et par conséquent obligatoirement incinérés... rendant impossible toute tentative de prouver quoi que ce soit à postiori, les preuves ayant été détruites. Il s'agit donc bien ici d'un génocide planifié et exécuté à la perfection.
Olivier Kaestlé et Anonyme - Je partage sans réserves vos commentaires.
Je crois qu'il s'agit effectivement d'un «génocide» qui depuis est systémique autant pour les personnes âgées et les personnes vulnérables.
Les récentes dénonciations de maltraitances qui perdurent dans ces établissements le confirment.
En bref, Dubé a amorcé sans notre consentement Éclairé depuis ce temps, une réforme de notre système de santé en instaurant systématiquement, la pertinence de certains soins et leurs limites, ainsi que, leurs priorisations.
En attente d'une chirurgie et votre tour est arrivé puis votre dossier indique que vous n'êtes pas vacciné et sans vous le dire, vous retournerez en bas de la liste d'attente.
Vous êtes obèse, vous avez refusé de suivre un programme d'amaigrissement et d'exercices physiques, sans vous le dire, vous retournerez en bas de la liste d’attente ou encore et avec un ticket modérateur, certains de vos soins ne seront pas couverts. Idem si vous suivez les programmes et que votre dossier indique que vous n’êtes pas vacciné.
Vous avez 80 ans avec quelque comorbidités pathologiques et vous avez besoin d'un pacemaker, la RAMQ ne remboursera pas le pacemaker et les frais afférents.
J'exagère trop? À peine.
Depuis, déjà et avec une accélération de la privatisation de notre système de santé, c'est pas mal à cela qu’il ressemblera de plus en plus après le 3 octobre, si la CAQ est reportée au pouvoir, Majoritaire.
Se poser la question avec objectivité, c'est y répondre.
Finalement, ce n'est pas souhaitable mais, nous serons tous des aînés puis notre silence ainsi que notre indifférence collectifs, conscients et volontaires face à ce scandale sans nom et sans précédents, tôt ou tard et très bientôt après le 3 octobre prochain, ça finira par nous rattraper��.
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