C’est en 2008, avec pour toile de fond la crise boursière, les élections américaines et nos élections… à l’américaine que le Conseil de la famille et de l’enfance lançait une recherche ayant pour titre L’engagement des pères. D’entrée de jeu, le Conseil y affirmait sa volonté de privilégier l’intérêt des familles et de l’enfant, au-delà de tout débat opposant paternité et maternité, ou masculinisme et féminisme. Honnête et rigoureux, bien qu’incomplet, faute de données disponibles, le document de 120 pages n’en demeure pas moins un outil exhaustif qui propose un portrait global des différents types de pères ou de parcours paternels.
Le Québec y est représenté sous l’angle d’une société distincte par le nombre de chercheurs, tant hommes que femmes, qui depuis une quinzaine d’années, tentent de cerner la réalité parentale masculine. Un obstacle de taille se dresse obstinément dans leur quête : la rareté des statistiques, surtout gouvernementales. Aussi incroyable que ça paraisse, aucun recensement n’indique le nombre de pères, tant au Québec qu’au Canada. Seul les pères monoparentaux, soit 68 025 hommes, ont été dénombrés en 2001 au Québec. Uniques soutiens familiaux, ils devenaient par le fait même inévitables.
Devant cet étonnant constat, le Conseil juge « important de mieux définir la place des hommes dans la famille, d’abord parce qu’il est de plus en plus reconnu que les enfants retirent des avantages indéniables de la présence d’un père, ensuite parce que l’objectif d’égalité entre les femmes et les hommes ne pourra se réaliser que dans la mesure où les responsabilités liées aux enfants seront partagées, au même titre que les responsabilités financières de la famille le sont. » Ambitieux plan de match, mais objectif incontournable.
Il semble que le décloisonnement des rôles parentaux traditionnels mène peu à peu dans cette direction, notamment en cas de rupture. Bien que cette réalité affecte un couple sur deux, il ne s’agit cependant pas automatiquement de parents. Si en 1995, à peine 11 % des enfants de parents divorcés vivaient en garde partagée, ils représentaient 29 % d’entre eux en 2003. Sept ans plus tard, ce pourcentage pourrait bien avoir encore augmenté.
On note toutefois que le rôle de pourvoyeur attribué au père reste déterminant aux yeux de la justice. Un homme à la situation financière précaire aura moins de chances d’obtenir la garde de sa progéniture qu’une mère nécessiteuse, qui pourra plus sûrement compter sur la pension d’un ex-conjoint. Il n’y a rien d’étonnant à cela puisque les hommes représentent 95 % des payeurs de pensions au Québec. Il s’ensuit cependant une dévalorisation du rôle de père en tant que personne interactive auprès de ses enfants.
La persistance de ce rôle traditionnel explique peut-être en partie la diminution du temps que les pères consacrent à leurs enfants depuis 10 ans au profit du travail et des déplacements. Il serait toutefois injuste de mettre un tel choix de priorités sur le compte d’un désengagement, avec les fluctuations de l'économie. Selon le Conseil, « (…) la dernière chose dont les hommes ont besoin pour être soutenus dans leur parcours vers une paternité assumée, c’est d’être décrits à l’aide de clichés réducteurs. » Ainsi soit dit !
Rétrolivier paru le 20 octobre 2008 dans Cyberpresse.
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