Huit « féminicides » en huit semaines, nous apprennent les médias. Les responsables de maisons d’hébergement pour femmes battues redoutaient, non sans raison, les dommages collatéraux de la pandémie en matière de violence conjugale. Là où il y a cependant matière à étonnement, c'est quant à leur affirmation voulant que ce n’est pas tant le confinement, mais bien le déconfinement, qui représenterait la pire menace pour la vie des femmes :
« Dans
son plus récent rapport, Hébergement femmes Canada indique que, sur les plus de
550 maisons d'hébergement que l'organisation soutient, la majorité
(59 %) ont signalé une diminution des appels au début de la pandémie.
Mais dès lors que les mesures de confinement se sont relâchées,
plus de la moitié de ces maisons (61 %) ont vu le nombre d'appels bondir. »
François Legault sera sans
doute heureux de constater que ses mesures liberticides puissent avoir un effet
positif sur la sécurité des femmes…
Vous avez dit : « féminicide »
?
L’actualité
nous ramène donc le néologisme « féminicide », comme s’il s’agissait
d’une évidence qui fait consensus. N’est-il pas légitime de s’interroger
sur la « nécessité » d’inventer un mot spécifique pour désigner le
meurtre d’une femme ou de plusieurs femmes quand le mot « homicide »
existe déjà depuis toujours ? Une femme victime d’un féminicide est-elle encore
plus assassinée qu’un homme victime d’un homicide ? La vie humaine
féminine est-elle plus importante que la vie humaine masculine ?
Les hommes représentent 74 % des victimes
Il
faut dire qu’il meure tellement d’hommes dans un tel contexte que le volume
même de leurs cadavres suscite la conséquence paradoxale de banaliser leur
décès. Selon
Statistique Canada :
« En 2017, la majorité des victimes d’homicide
(74 % ou 485 victimes) et des auteurs présumés d’homicide (87 %
ou 459 auteurs présumés) étaient de sexe masculin. »
Et
comme les hommes restent majoritaires parmi les auteurs présumés d’homicides,
vous trouverez toujours une bonne âme pour affirmer que les victimes masculines
n’ont que ce qu’elles méritent.
Une définition claire
Selon
plusieurs sources, dès qu’une femme est assassinée, elle est victime de
féminicide. Selon d’autres, dès qu’elle meure dans un contexte de
violence conjugale, elle décède de cette façon. Pour ma part, je souscris
à cette
définition développée par une journaliste belge :
« Selon Vinciane Votron, chef de rédaction à la RTBF, le mot féminicide est
lourd de sens et ne devrait être employé qu’en présence de tous les éléments
permettant de caractériser un meurtre de femme « parce que c’est une
femme »18. »
Le cas Lépine
Dans
cette perspective, il est très tentant de voir dans la tuerie de Polytechnique
en 1989 par Marc Lépine un féminicide de 14 jeunes
femmes.
Mais ces étudiantes ont-elles été tuées « parce qu’elles étaient des
femmes » ? Pourquoi Lépine n’a-t-il pas alors sévi dans une école de
secrétariat, de couture ou de coiffure, des établissements où il se trouve
encore plus de femmes qu’à Polytechnique ?
La
réalité est que les victimes du psychopathe n’ont pas été assassinées parce
qu’elles étaient des femmes, mais bien parce que Lépine les avait identifiées,
à tort et à raison, comme des féministes, puisqu’elles étudiaient dans un
domaine jadis exclusivement masculin. Il s’agit bel et bien d’une tuerie
antiféministe, comme il l’a reconnu lui-même dans sa
lettre découverte après le massacre.
Le cas Minassian
Le
cas d’Alek Minassian est fort différent de celui de Marc Lépine, comme en
témoigne cet article
publié peu après la tuerie au camion bélier dont il avait été l’auteur à
Toronto en 2018 :
« (Toronto) Quelques heures après avoir conduit une
fourgonnette louée sur un trottoir achalandé de Toronto tuant 10 personnes et
en blessant 16 autres, Alek Minassian s’est décrit à la police comme étant un
puceau de 25 ans qui cherchait à se venger après avoir été rejeté sexuellement
et ridiculisé par les femmes pendant des années. »
Cet
extrait veut tout dire, la majorité de ses 10 victimes étant des femmes, nous
avons bel et bien affaire à un féminicide puisqu’il s’agissait d’un acte de
vengeance envers la gent féminine. Ces femmes assassinées l’ont
véritablement été, comme le spécifie la journaliste Vinciane Votron, « parce
qu’elles étaient des femmes ».
Bien identifier les réalités
Bon,
vous me direz, féminicide, attentat antiféministe, qu’est-ce que ça change
? Finalement, des femmes sont mortes inutilement par la main d’individus
fortement dérangés. Soulignons d’abord que les tueries de Lépine et de Minassian
représentent des cas extrêmes et – heureusement – exceptionnels.
L’emploi
du mot « féminicide » suscite cependant débats et controverse, bien
sûr, ailleurs qu’au Québec, on s’en doute, comme en
témoigne cet article du Monde :
« La notion de « féminicide », ces meurtres
dont sont victimes les femmes ou jeunes filles parce qu’elles sont des femmes,
continue pourtant de susciter des réactions partagées. L’éditorialiste de Sud
Radio Elisabeth Lévy a ainsi qualifié le terme
de « mensonge » lundi 2 septembre. A tort ou à
raison ?
« (…) Pour
étayer son point de vue, Elisabeth Lévy met notamment en avant le fait
que « dans les cas recensés comme féminicides, il y a un nombre
significatif de messieurs âgés, très âgés, qui mettent fin aux souffrances de
leur compagne. Est-ce que c’est un féminicide ? », lance-t-elle. Un
propos qui laisse entendre qu’une partie des féminicides pourraient relever, au
moins en partie, d’une forme d’altruisme, et pas seulement d’un geste
criminel. »
Trois causes principales
Le
même article cite trois causes principales de « féminicide » :
les disputes, à 40 %, les séparations, à 19 % et, fait étonnant, la maladie ou
la vieillesse de la victime, à 13 %.
L’article
poursuit :
« Cela représente bien un
nombre « significatif » d’affaires, comme le note Elisabeth
Lévy. Peut-on pour autant les résumer à des histoires de « messieurs âgés,
très âgés, qui mettent fin aux souffrances de leur compagne », qui
n’auraient pas grand-chose à voir avec des féminicides ? Le détail
de certaines affaires laisse peu de doute sur le caractère violent des actes
commis. »
J’en
reviens à la définition de Mme Voltron. Les femmes tuées dans un contexte
conjugal l’ont-elles vraiment été « parce qu’elles sont des femmes » ?
J’ai des doutes. Dans un cas de dispute, est-ce la féminité de la victime
qui déclenche le meurtre, ou la dispute ? Dans le cas de la rupture,
est-ce le sexe de la victime qui suscite le meurtre, ou la rupture ? Dans
le cas du meurtre en raison de la maladie ou de la vieillesse, est-ce le sexe
de la victime qui entraîne le meurtre, ou la maladie ou la vieillesse ?
Le simple bon sens
S’il
suffisait aux victimes d’être des femmes pour être tuées, pourquoi ne
l’ont-elles pas été bien avant pour cette raison même ? À trop vouloir
« sensibiliser » sur un phénomène par ailleurs tragique, on risque
d’en arriver à un effet totalement opposé, particulièrement à notre époque où
des idéologues survoltées nous assaillent de « causes » plus
farfelues les unes que les autres, dont le « patriarcat du steak »,
la galanterie violente ou les changements climatiques phallocrates, pour ne
mentionner que quelques exemples récents.
Je
suis tout à fait solidaire du point de vue de Mme Voltron quand elle affirme
que « le mot féminicide
est lourd de sens et ne devrait être employé qu’en présence de tous les éléments
permettant de caractériser un meurtre de femme « parce que c’est une
femme »18. »
Le
simple bon sens…
Une première version de ce billet a été publiée dans dixquatre.com le
2 commentaires:
Très bonne analyse.
J'ajouterais :
Serait-ce que, pour la comptabilité des militantes féministes, toutes les femmes qui sont tuées peut importe par qui ; par exemple tuée par une transgenre, tuée par une femme jalouse, tuée lors d’un vol, tuée par compassion ou encore tuée après avoir crinquée son conjoint au point de lui faire péter les plombs ?
Il suffit d'être une femme et d'avoir été tuée pour devenir victime de féminicide, selon les néo féministes. On est très loin de la définition donnée par Mme Voltron citée dans mon billet.
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