dimanche 2 mai 2021

France : la criminalisation du client précarise les prostituées. Surpris ?

Paru initialement dans dixquatre.com le 3 août 2017, cet article pose un questionnement toujours d'actualité.

C'était écrit dans le ciel.  Une évidence incontournable.  Il était impossible de ne pas voir venir le - ou les - coups (s).  La victoire des idéologues abolitionnistes en France a de plus en plus un un goût amer.  Il était pourtant si prévisible que la criminalisation du client de la prostitution aurait davantage d'effets pervers que la légalisation de ce choix professionnel controversé.

Cette réalité, si énervante pour nos féministes abolitionnistes chéries, doit être prise en considération par les pouvoirs publics et par le législateur, optique qui n’a pas été retenue par la France quand, emboîtant le pas à la Suède, elle a décidé de criminaliser le recours aux services des prostituées.

Or, la Suède se targue d’avoir fait diminuer de moitié la prostitution de rue depuis l’instauration de cette disposition légale en 1999. La prostitution de rue, je veux bien, mais qu’en est-il de la prostitution… tout court ? Les autorités et le gouvernement suédois ont-ils envisagé la possibilité que la moitié disparue de leur écran radar en soit réduite à la plus dangereuse clandestinité ?

En France, à Paris, plus précisément, des prostituées sont victimes d’agresseurs en série mais redoutent de porter plainte, de peur de perdre leurs clients. Certaines gardent le silence parce qu’elles sont sans papiers et ne parlent pas français.

Des travailleuses du sexe chinoises, ayant porté plainte, ont vu les policiers arrêter leur proxénète et fermer leur établissement, les privant ainsi de leur gagne-pain. Mais c’est la pénalisation du client qui est montrée du doigt comme étant la pire entrave au métier de prostituée comme l’indique cet article :

« Le vote de la loi prostitution en avril, « semble avoir plutôt favorisé les violences à l’égard des prostituées qu’accru leur protection », souligne le rapport.

« Depuis lors, les clients sont passibles d’une amende de 1 500 €, pouvant monter à 3 750 en cas de récidive. Ce qui a causé leur raréfaction et une paupérisation des travailleuses du sexe. Par ailleurs, les clients qui restent sont eux plus enclins à négocier les prestations à la baisse ou le port du préservatif, selon ces associations.

«  »Les prostituées sont devenues tellement précaires du fait de la pénalisation du client que certaines ont accepté des rapports avec d’anciens agresseurs en espérant qu’ils seraient moins violents », s’étrangle Mme Maffesoli. »

La puissance d’un lobby toxique…

Avant que la France ne commette la même erreur que la Suède, un écrivain, réalisateur et chanteur, Antoine No Lastname, auteur de Délivrez-nous des dogmes, un essai dénonçant l’abolitionnisme, avait déjà tiré la sonnette d’alarme sur les dangers de ce choix aveugle et dogmatique en citant l’exemple du Danemark, qui s’était dissocié de l’optique répressive de sa voisine suédoise :

« Or, son voisin le plus proche [de la Suède], le Danemark, après avoir étudié le bilan du « modèle nordique », ce pays a décidé de ne pas le suivre, car il n’améliorait en rien la situation des sexworkers, et a renoncé à pénaliser le recours à la prostitution; une étude financée en 2010 par le gouvernement danois avait clairement conclu que « la prostitution ne peut pas être traitée comme une entité monolithique et homogène » et que « de nombreux travailleurs sexuels ont choisi leur profession, ils n’y ont pas été contraints. » »

Étonnamment, même le gouvernement français allait dans le même sens il y a quelques années à peine, soulignait alors Antoine :

« Et puis à quelques jours des fêtes [en 2012], c’est le gouvernement français qui a publié un rapport révélateur de l’Inspection Générale des Affaires sociales, qui , pour la première fois en France, abordait sans a priori le problème, et déclarait à son tour « qu’il n’y a pas une mais des prostitutions » et que « les seules données disponibles (ne concernent) que la seule prostitution de rue, et ne saurai(en)t être extrapolé(es) », infirmant en cela les chiffres alarmistes proclamés par les abolitionnistes. « La commission a relevé des degrés très variables dans la contrainte ou au contraire dans la liberté » et choisi de souligner la part de libre arbitre dans le choix de cette profession […] »

Comment expliquer, après pareils constats, marqués au coin du bon sens, que l’État français ait succombé à la dérive suédoise ? Il faut que le lobby féministe abolitionniste soit bien puissant pour avoir entraîné un choix de société aussi consternant. No Lastname n’a pas hésité à dénoncer ces idéologues en termes aussi judicieux que lapidaires :

« En réalité, les mouvements abolitionnistes, qui prétendent vouloir venir en aide aux prostitué(e)s, sont en très grande part responsables de l’ensemble des maux, violence, précarité, vulnérabilité à l’exploitation, stigmate, qui frappent cette profession. Quand ces mouvements cherchent à vous apitoyer en dénonçant les terribles conditions de travail des prostituées, les attaques dont elles sont victimes, leur espérance de vie plus courte que celle des autres personnes, ils oublient de dire que ce sont eux, et les règlements prohibitionnistes qu’ils ont érigés et qu’ils proposent encore d’aggraver, qui sont la cause directe de toutes ces souffrances. »

Et vlan ! Que dire de plus ? Comment ne pas comprendre, à la suite de l’exemple parisien, à quel point Antoine avait raison. Les fanatiques abolitionnistes reconnaîtront-ils l’étendue de leur erreur ? J’en doute fortement.

Chez ces bien-pensants, l’obsession du dogme l’emportera toujours sur les cruels démentis de la réalité. Voilà une raison parmi tant d’autres pour laquelle il faudra, tôt ou tard, que l’État français et même, tout État occidental, en arrive à séparer le féminisme de l’État pour en finir avec l’obscurantisme mortifère de la grande roseur.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

M. Kaestlé
Le rapport Laurent est désormais accessible sur le web.
Un volumineux rapport de plus de 500 pages.

Voici le lien pour lire ce rapport dans lequel on n'y parle que de femmes victimes de violences conjugales.

https://www.csdepj.gouv.qc.ca/fileadmin/Fichiers_clients/Rapport_final_3_mai_2021/2021_CSDEPJ_Rapport_version_finale_numerique.pdf

J'aimerais pouvoir lire un article de votre part sur ce sujet.

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