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La question se pose, sur le plan médiatique, certes, mais, plus sérieusement, sur le plan politique et légal. Je suis régulièrement agacé, à la lecture de certaines nouvelles traitant d’agressions sexuelles, comme si, avant même la tenue d’un procès, l’accusé avait déjà été jugé coupable, et la plaignante, obligatoirement victime. Il n’est pas impossible que cette vision biaisée de la réalité ne trouve un écho favorable auprès de nos gouvernements fédéral et provincial.
Cette
tendance n’a pas attendu l’avènement de #metoo ou #balancetonporc pour se
manifester, mais elle pourrait bien s’accentuer sous la poussée de ces
mouvements qui tournent régulièrement au lynchage médiatique fanatisé. On
sait à quel point le respect de la présomption d’innocence constitue un
irritant pour nombre de féministes militantes, qui voudraient pouvoir
l’annihiler par le concept fallacieux de « renversement du fardeau de la
preuve ».
Un accusé devra-t-il faire la
preuve de son innocence ?
Quand
on lit le moindrement entre les lignes, on traduit cette expression par «
suppression de la présomption d’innocence », puisqu’il est question de faire en
sorte que l’accusé d’agression sexuelle fasse la preuve de sa non culpabilité.
Ne
croyez pas que les doléances des activistes féministes ne soient pas
considérées en haut lieu politique, comme en
témoigne cet article :
« Par ailleurs, le premier ministre fédéral a évité de se
prononcer sur le renversement du fardeau de la preuve dans les cas d’agressions
sexuelles, une suggestion faite entre autres par le nouveau chef du Service de
police de la Ville de Montréal, Sylvain Caron, et une idée que le premier
ministre du Québec, François Legault, a dit regarder avec prudence. »
Personne ne s’engage à
respecter la présomption d’innocence
En
clair, le chef du plus important corps de police de la province, « entre
autres », va jusqu’à suggérer le concept, le premier ministre du Canada refuse
de se prononcer sur la question et celui du Québec va l’étudier « avec prudence
». Aucun n’affirme sans ambigüité qu’il soit hors de question d’éradiquer
la présomption d’innocence…
Selon
le même article :
« Mais lorsque le renversement du fardeau de la preuve
s’applique, c’est la personne accusée qui doit prouver que ces moyens sont
pertinents ou qui doit infirmer les preuves d’une infraction. Cela peut mener à
des cas où une personne accusée peut être reconnue coupable même s’il existe un
doute raisonnable quant à sa culpabilité. »
Vous
avez bien lu : « même s’il existe un doute raisonnable quant à sa
culpabilité. » Envisageons-nous sérieusement l’éventualité d’une
justice inquisitoriale ?
Trois fois accusé, trois fois
acquitté
Dans
cette optique, j’ai déjà évoqué la cause
médiatisée de Pierre Turbide, trois fois accusé par une ex conjointe et
trois fois acquitté. En principe, il aurait dû bénéficier de la
présomption d’innocence. En pratique, comment expliquer l’acharnement
judicaire dont cet homme a été victime ?
Son
ex l’ayant accusé de détenir un poing américain dont il ne connaissait même pas
l’existence, la cour a préféré croire une menteuse qu’un homme acquitté à trois
reprises à la suite de ses accusations mensongères. Résultat : il a
désormais un casier judiciaire qui l’empêche de trouver un travail décent et se
voit condamné à un travail sous-payé de plonge dans un restaurant. La
présomption d’innocence s’est-elle appliquée dans son cas ?
Il
y a de quoi frémir à l’idée de ce qui aurait pu arriver à ce pauvre homme si,
en plus de l’embarrassante et condamnable incompétence du système, il avait dû
faire face au « renversement du fardeau de la preuve » …
Un tribunal spécial avec un
« parcours spécial »
Dans
le sillage du mouvement #metoo, la députée péquiste Véronique Hivon pilote le
projet d’un tribunal spécial sur les agressions sexuelles qui semble
interpeler le premier ministre François Legault :
« J’entendais Véronique Hivon dire est-ce qu’il y a
possibilité peut-être d’avoir un parcours spécial, qui n’est pas le même que
pour les autres cas. Moi je suis ouvert à ça », a-t-il dit. »
« Parcours
spécial », voilà qui laisse place au doute, que ce commentaire de Legault
ne dissipe pas :
« (…) Quelqu’un est présumé non coupable jusqu’à preuve du
contraire, [et doit être reconnu coupable] hors de tout doute raisonnable.
Veut-on changer ça? Il y a une bonne discussion à y avoir, mais il faut être
prudent », a-t-il laissé tomber. »
Une porte ouverte sur
l’abolition de la présomption d’innocence
Je
ne sais pas pour vous, mais moi, j’appelle ça une porte entrebâillée. On
pourrait se rassurer à l’idée que le code criminel canadien est de juridiction
fédérale, mais, devant le flou artistique entretenu par notre premier ministre
néo féministe Justin Trudeau, ce dernier pourrait bien recommander que le
fardeau de la preuve change de camp.
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