dimanche 21 mars 2021

Agressions sexuelles : la présomption d’innocence est-elle menacée ?

Ce billet a été publié précédemment le 

La question se pose, sur le plan médiatique, certes, mais, plus sérieusement, sur le plan politique et légal.  Je suis régulièrement agacé, à la lecture de certaines nouvelles traitant d’agressions sexuelles, comme si, avant même la tenue d’un procès, l’accusé avait déjà été jugé coupable, et la plaignante, obligatoirement victime.  Il n’est pas impossible que cette vision biaisée de la réalité ne trouve un écho favorable auprès de nos gouvernements fédéral et provincial.

Cette tendance n’a pas attendu l’avènement de #metoo ou #balancetonporc pour se manifester, mais elle pourrait bien s’accentuer sous la poussée de ces mouvements qui tournent régulièrement au lynchage médiatique fanatisé.  On sait à quel point le respect de la présomption d’innocence constitue un irritant pour nombre de féministes militantes, qui voudraient pouvoir l’annihiler par le concept fallacieux de « renversement du fardeau de la preuve ».

Un accusé devra-t-il faire la preuve de son innocence ?

Quand on lit le moindrement entre les lignes, on traduit cette expression par « suppression de la présomption d’innocence », puisqu’il est question de faire en sorte que l’accusé d’agression sexuelle fasse la preuve de sa non culpabilité.

Ne croyez pas que les doléances des activistes féministes ne soient pas considérées en haut lieu politique, comme en témoigne cet article :

« Par ailleurs, le premier ministre fédéral a évité de se prononcer sur le renversement du fardeau de la preuve dans les cas d’agressions sexuelles, une suggestion faite entre autres par le nouveau chef du Service de police de la Ville de Montréal, Sylvain Caron, et une idée que le premier ministre du Québec, François Legault, a dit regarder avec prudence. »

Personne ne s’engage à respecter la présomption d’innocence

En clair, le chef du plus important corps de police de la province,  « entre autres », va jusqu’à suggérer le concept, le premier ministre du Canada refuse de se prononcer sur la question et celui du Québec va l’étudier « avec prudence ».  Aucun n’affirme sans ambigüité qu’il soit hors de question d’éradiquer la présomption d’innocence…

Selon le même article :

« Mais lorsque le renversement du fardeau de la preuve s’applique, c’est la personne accusée qui doit prouver que ces moyens sont pertinents ou qui doit infirmer les preuves d’une infraction. Cela peut mener à des cas où une personne accusée peut être reconnue coupable même s’il existe un doute raisonnable quant à sa culpabilité. »

Vous avez bien lu : « même s’il existe un doute raisonnable quant à sa culpabilité. »  Envisageons-nous sérieusement l’éventualité d’une justice inquisitoriale ?

Trois fois accusé, trois fois acquitté

Dans cette optique, j’ai déjà évoqué la cause médiatisée de Pierre Turbide, trois fois accusé par une ex conjointe et trois fois acquitté.  En principe, il aurait dû bénéficier de la présomption d’innocence.  En pratique, comment expliquer l’acharnement judicaire dont cet homme a été victime ?

Son ex l’ayant accusé de détenir un poing américain dont il ne connaissait même pas l’existence, la cour a préféré croire une menteuse qu’un homme acquitté à trois reprises à la suite de ses accusations mensongères.  Résultat : il a désormais un casier judiciaire qui l’empêche de trouver un travail décent et se voit condamné à un travail sous-payé de plonge dans un restaurant.  La présomption d’innocence s’est-elle appliquée dans son cas ?

Il y a de quoi frémir à l’idée de ce qui aurait pu arriver à ce pauvre homme si, en plus de l’embarrassante et condamnable incompétence du système, il avait dû faire face au « renversement du fardeau de la preuve » …

Un tribunal spécial avec un « parcours spécial »

Dans le sillage du mouvement #metoo, la députée péquiste Véronique Hivon pilote le projet d’un tribunal spécial sur les agressions sexuelles qui semble interpeler le premier ministre François Legault :

« J’entendais Véronique Hivon dire est-ce qu’il y a possibilité peut-être d’avoir un parcours spécial, qui n’est pas le même que pour les autres cas. Moi je suis ouvert à ça », a-t-il dit. »

« Parcours spécial », voilà qui laisse place au doute, que ce commentaire de Legault ne dissipe pas :

« (…) Quelqu’un est présumé non coupable jusqu’à preuve du contraire, [et doit être reconnu coupable] hors de tout doute raisonnable. Veut-on changer ça? Il y a une bonne discussion à y avoir, mais il faut être prudent », a-t-il laissé tomber. »

Une porte ouverte sur l’abolition de la présomption d’innocence

Je ne sais pas pour vous, mais moi, j’appelle ça une porte entrebâillée.  On pourrait se rassurer à l’idée que le code criminel canadien est de juridiction fédérale, mais, devant le flou artistique entretenu par notre premier ministre néo féministe Justin Trudeau, ce dernier pourrait bien recommander que le fardeau de la preuve change de camp.

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